
Face à l’explosion du Covid-19 en milieu carcéral, il faut renouveler d’urgence et compléter les mesures prises en 2020 pour réduire le surpeuplement des prisons, demande, dans une tribune au « Monde », un collectif de trente et une personnalités – médecins, avocats, juristes, syndicalistes et responsables d’ONG.
Tribune. Selon les derniers chiffres rendus publics, 1 074 personnes détenues étaient positives au Covid-19 au 7 janvier 2022, et 1 029 membres du personnel de l’administration pénitentiaire au 4 janvier. Dans les établissements touchés, l’isolement des personnes infectées est presque impossible. Des étages voire des bâtiments entiers sont parfois confinés et des personnes positives cohabitent avec d’autres non testées.
A la prison de Beauvais (Oise), un bâtiment de 200 personnes, dont 25 positives au virus, a ainsi été mis en quarantaine. Outre la particulière vulnérabilité des prisons à l’épidémie et la mise en danger des personnes qui y sont détenues et de celles qui y travaillent, l’arrêt des parloirs pour les personnes contaminées ou cas contacts, le rétablissement des plaques de Plexiglas de séparation pour les autres, et la suspension de la majorité des activités collectives privent les personnes détenues de leurs droits les plus essentiels et renforcent les tensions entre les murs. (...)
Cette situation sanitaire critique doit beaucoup au surpeuplement des prisons. Les principaux foyers de contamination touchent des établissements particulièrement surpeuplés (...)
Dans une cellule de 9 mètres carrés occupée par trois personnes, l’application des gestes barrières et la distanciation sociale semblent bien vaines.
La population détenue ne cesse de croître
Pourtant, en mai 2020, à la suite de mesures exceptionnelles d’octroi de réductions de peine supplémentaires et d’aménagements de fin de peine anticipés, conjuguées à la diminution des écrous sur cette période, la densité carcérale passait, pour la première fois depuis près de vingt ans, sous la barre des 100 %. Mais en dépit des multiples appels à la mise en œuvre d’une véritable politique de déflation carcérale, la population détenue n’a, depuis, eu de cesse de croître. (...)
En un an et demi, elle a augmenté de près de 20 %, si bien que de nombreuses prisons ont retrouvé leurs tristes records de début 2020, et le nombre de matelas au sol a plus que triplé. Si l’inflation carcérale, la surpopulation à laquelle elle mène et l’indignité des conditions de détention qu’elle exacerbe doivent être combattues à travers des politiques de long terme, la situation épidémique actuelle rend l’urgence plus criante encore.
Un tel constat appelle au minimum de nouvelles mesures similaires à celles du printemps 2020 Un tel constat appelle au minimum de nouvelles mesures similaires à celles du printemps 2020. Au vu de la situation sanitaire actuelle inédite, l’envergure de ces mesures doit en outre être accrue et concerner également les personnes en détention provisoire – qui représentent environ 30 % de la population carcérale – et celles détenues pour des longues peines.
Les juridictions doivent quant à elles s’emparer de toutes les mesures à leur disposition pour réduire le nombre d’entrées en détention. Il leur revient de se saisir enfin pleinement des possibilités dessinées par la loi du 23 mars 2019 de programmation pour la justice qui, en l’absence de force contraignante et de moyens suffisants, sont encore loin d’être volontairement et unanimement appliquées.
La faisabilité juridique et politique de telles mesures n’est plus à démontrer : réduire la population carcérale, prendre en charge en milieu libre ceux qui peuvent ou doivent l’être, n’est ni déraisonnable ni dangereux. Et il y a urgence à agir.