
Valeurs actuelles avait publié en août 2020 un récit dépeignant la députée de La France insoumise Danièle Obono en esclave. L’hebdomadaire a été condamné ce mercredi pour injure raciste.
Le directeur de publication du magazine Erik Monjalous, le directeur de la rédaction Geoffroy Lejeune et le rédacteur de l’article Laurent Jullien, ont été reconnus coupables, le premier d’"injure publique envers un particulier à raison de son origine" et les deux autres de "complicité" de ce délit. Ils ont été condamnés à une amende de 1 500 euros chacun et devront verser solidairement 5 000 euros de dommages et intérêts à Danièle Obono.
Condamné par toute la classe politique
Intitulé "Obono l’Africaine", l’article de sept pages, présenté comme un exercice de "politique-fiction", racontait dans un numéro publié fin août comment la députée de Paris, née au Gabon, expérimentait "la responsabilité des Africains dans les horreurs de l’esclavage" au XVIIIe siècle. Danièle Obono était ainsi transportée dans un village d’Afrique au XVIIIe siècle, puis vendue comme esclave à un notable arabe, avant d’être rachetée par un religieux français et ramenée en France.
L’article, accompagné de dessins de la députée collier en fer au cou, avait été condamné unanimement par toute la classe politique, le président Emmanuel Macron en tête. (...)
Plusieurs témoins tels que l’ancien directeur de publication de Charlie Hebdo Philippe Val, cité par la défense, ou l’ancien international de football français Lilian Thuram, cité par les parties civiles, s’étaient succédés à la barre. Dans son jugement, le tribunal a rappelé que "le droit à la liberté d’expression ne saurait être utilisé pour promouvoir des idées contraires à la lettre et à l’esprit des droits conventionnels promus et protégés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales".
"Le caractère clivant d’une personnalité politique ne peut être de nature à justifier les injures à caractère raciste qui seraient proférées à son endroit, la gravité de cet acte, qui touche à l’individu dans son essence même, étant sans commune mesure avec la nature des débats engagés et des propos échangés parfois avec virulence dans la sphère militante ou politique", a-t-il estimé. Le tribunal a aussi jugé que les injures racistes visant Danièle Obono excédaient "ce que permet la satire, si tant est que l’on puisse considérer que le présent article relève de ce genre (...) ou même celui de la fiction, tant sont nombreuses les références dans le texte à la réalité".
"Un message à l’attention de la droite extrême"
"C’est un message très franc contre Valeurs actuelles qui joue depuis longtemps avec les limites de la liberté d’expression et est sanctionné à juste titre", a salué l’avocat de Mme Obono, Me Xavier Sauvignet, y voyant aussi "un message à l’attention de la droite extrême" contre "les discours de haine, de racisme et de xénophobie" actuellement en "développement". (...)