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Reporterre
Danielle Simonnet : « Avec Jean-Luc Mélenchon, nous voulons changer le système »
Danielle Simonnet est conseillère de Paris, élue dans le 20e arrondissement, et coordinatrice du Parti de gauche. Engagée aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, elle est aujourd’hui candidate aux législatives pour la France insoumise, dans le 20e arrondissement de la capitale.
Article mis en ligne le 20 avril 2017

La campagne de la France insoumise a cassé de nombreux codes du militantisme, en particulier par son horizontalité, et a créé une dynamique forte. Danielle Simonnet, engagée aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, explique à Reporterre pourquoi elle juge que, « pour une fois, on peut avoir un vote qui engage une grande bifurcation historique ».

le projet politique que l’on porte est celui d’une révolution citoyenne. Nous ne sommes pas dans une élection classique pour gagner des parts électorales, nous voulons changer le système. Il y a donc une bataille culturelle à mener, pour contester la culture dominante qui sert à pérenniser, à maintenir le système en place. Nous cherchons à ce que les citoyens et les citoyennes s’émancipent, afin que le peuple en conscience se mette en mouvement et exerce le pouvoir. Et ça, ça demande de casser tous les codes.

Tout l’esprit de la campagne de la France insoumise va dans ce sens. Chacun et chacune a pu, à travers la plateforme du mouvement, rejoindre la campagne, mais aussi constituer ou participer à des groupes d’appui. Plein de formes de militantisme se sont ainsi développées, par l’horizontalité, qu’elles soient classiques (tractage) ou pas, comme la bataille sur les réseaux sociaux, les vidéos. Le fait que les dirigeants aient montré qu’ils cassaient les codes ainsi que le fait de porter un programme ambitieux ont aussi participé à créer cette dynamique d’émancipation et cette créativité extraordinaire.

Un groupe de citoyens un peu geek a ainsi codifié et mis en image tout le programme de l’Avenir en commun sur un site, afin de le rendre accessible à tous. Le jeu vidéo Fiscal Kombat a connu un bon succès. Des Insoumis de la Drôme ont mis en scène des chansons de campagne détournées que j’utilise comme bande-son avant nos meetings.

Après le meeting de Marseille j’ai été avec le « camion insoumis » à Forcalquier et Digne-les-Bains. Le but est de donner la parole aux gens… J’ai été frappée par l’appétit politique des gens. Cette période, par la volonté citoyenne de prendre la parole et de changer les choses, me fait penser à 2005, lors de la campagne contre le Traité constitutionnel européen. (...)

Nous souhaitons qu’il y ait un processus constituant avec des personnes tirées au sort, qui n’ont jamais été élues avant. Nous voulons aussi que ces gens ne se retrouvent pas enfermés à Versailles pour rédiger la Constitution, mais que ce processus irrigue tout le pays. Cela pose la question des contre-pouvoirs à tous les niveaux.

Ensuite, la question écologique ne sera pas seulement prise en compte parce que l’on veut instaurer la règle verte, même si c’est fondamental. Lors des grosses luttes contre les délocalisations ou les fermetures d’entreprise, quand les salariés ont été amenés à repenser les processus de production, à chaque fois la question du « comment on produit » s’est posée : est-ce que cette production est respectueuse de notre environnement, est-ce qu’elle a un sens, une pertinence par rapport à nos enjeux… Les gens veulent être fiers de ce qu’ils font. (...)

nous souhaitons qu’il y ait, dans l’ensemble des services publics, des contre-pouvoirs où sont impliqués les agents salariés et des citoyens usagers. (...)

Sans pôle public, pas moyen de sortir du nucléaire et de réorienter les grands projets de recherche et d’investissement. Mais cela ne signifie pas qu’on entrerait soudain dans un dogme qui ferait fi des expériences de terrain. (...)

Quand on met en place l’écart de salaire de 1 à 20 — ce qui est encore énorme — et quand on instaure un revenu maximal d’existence, on s’attaque aux racines du problème. L’émancipation n’est pas dans la richesse. Ça paraît simple à dire, mais c’est essentiel. Il s’agit d’un renversement culturel, car toute notre société est fondée sur l’idée que réussir sa vie, c’est réussir l’accumulation. Nous voulons inverser totalement cette idéologie : réussir sa vie, c’est être heureux. Aimer, s’aimer, aimer les autres… Il faut faire du bonheur une idée neuve, reprendre les Jours heureux de 1945, remettre l’émancipation comme projet. C’est pourquoi cette relance économique n’est pas adossée au PIB, mais aux indicateurs de développement humain : est-ce que je peux me loger, est-ce que j’ai de quoi subvenir à l’ensemble de mes besoins et est-ce que j’ai du temps pour me construire ? (...)

quel exercice démocratique terrible avons-nous fait en 2005 ! Le Traité constitutionnel européen était en fait antidémocratique, et constitutionnalisait une seule politique possible, une politique de l’offre, monétariste, ultralibérale qui était à l’opposé de tous ces objectifs originels de l’Europe. Or notre vote n’a pas été respecté, et depuis tout se confirme.

Nicolas Sarkozy a nié le non au traité constitutionnel, François Hollande n’a rien renégocié malgré ses promesses. Nos budgets doivent se soumettre aux exigences de Bruxelles, nous concédons des réformes structurelles, telle la loi Travail, nous acceptons de démanteler le fret ferroviaire, le tout sous l’impulsion des diktats européens. Les traités européens interdisent toute harmonisation sociale et fiscale, imposent le dogme de la concurrence libre et non faussée, bafouant ainsi les impératifs sociaux et écologiques.

Et du côté de la paix, ce n’est guère mieux. (...)

Cette Europe-là nous mène à la guerre, à la catastrophe écologique et sociale… et donc au fascisme. Aujourd’hui, on est face à une dislocation du projet européen qui est extrêmement dangereuse.

Il faut s’attaquer à la racine du problème, et ce n’est pas en se soumettant plus qu’on va éviter les conséquences de cette dislocation. C’est au contraire en assumant la rupture avec les traités et le rapport de force pour essayer de construire d’autres coopérations. Est-ce que ça passera dans le cadre européen avec tout le monde ou en dehors de ce cadre-là avec ceux qui le voudront, la dynamique qui va venir nous le dira (...)

Notre stratégie est la suivante pour l’instant : Jean-Luc Mélenchon est élu président de la République le 7 mai prochain. Il va voir Mme Merkel et les dirigeants des institutions européennes, pour exiger la renégociation des traités. D’emblée, il explique que la France désobéit unilatéralement aux traités en vigueur qui interdisent toute harmonisation sociale et fiscale, et qui exigent la privatisation des services publics. Et il précise — histoire de mettre une bonne ambiance — que quoi qu’il sorte des négociations, le peuple français sera amené à se prononcer via référendum. Soit, plan A, il est d’accord avec l’issue des discussions, soit, plan B, il sort des traités avec les pays qui le veulent.

Cette démarche crée un rapport de force comme il n’y en a jamais eu. La Grèce a bien essayé, mais elle n’y est pas arrivée, parce qu’elle n’avait pas de plan B, et parce que ce n’était pas simple : la Grèce est un petit pays avec un budget équivalent à celui de l’Île-de-France. La France est un pays historique dans la construction européenne, elle représente 18 % du PIB de l’UE. Nous pouvons donc provoquer un état de choc, qui pourrait entraîner d’autres pays avec nous. (...)

La première mesure à prendre est celle du contrôle des capitaux et la création d’un pôle public bancaire. Bien évidemment, il ne s’agit pas uniquement d’une affaire de débat entre des dirigeants élus et raisonnables, car nombre de gouvernements européens ne sont que des courroies de transmission d’autres pouvoirs bien plus importants. On n’est pas au pays des Bisounours : ce sera un bras de fer des peuples contre la finance. Est-ce nous ou eux qui dirigeons le monde ? C’est le bras de fer de notre moment de l’Histoire. (...)

Pourquoi le projet de Macron vous fait-il si peur ?

Ce n’est pas qu’il me fait peur, c’est qu’il est l’incarnation oligarchique du système. Et le fascisme, Mme Le Pen, est la conséquence de ce régime oligarchique. Les politiques libérales de l’Union européenne, les politiques façon Macron, par la compétitivité à tout prix, la concurrence de tous contre tous, produisent un individualisme qui se traduit ensuite par la montée des extrêmes droites, par la montée du racisme et de la xénophobie. La compétition déshumanisante amène au fascisme. Le nazisme est issu de la crise de 1929 et de la folie de notre système capitaliste à l’époque. (...)

La campagne que nous menons nous émancipe, chacun à tous les niveaux. Cette force-là, consciente et éclairée, doit se poursuivre après l’élection, en cas d’échec, parce qu’il faudra une résistance de tous afin que la volonté de reconquête du pouvoir par le peuple ne retombe pas.

Comment convaincre les abstentionnistes et les indécis ?

Pour une fois, on peut voter pour ses convictions. C’est énorme ! Pour une fois, on peut avoir un vote qui engage une grande bifurcation historique, forte. Il ne s’agit pas simplement d’un programme, mais d’une méthode : la révolution citoyenne. (...)

Avoir un candidat écosocialiste qui propose une insurrection civique, une nouvelle révolution pacifique et citoyenne, il ne faut pas rater cette occasion historique ! Voici venu le temps du buen vivir (bien vivre).