
Plus d’Etat, une situation humanitaire alarmante... Cette ex-colonie française, désormais dirigée par des rebelles, est en train de s’effondrer.
Mise à jour 22/11/2013 : « Le pays est au bord du génocide » n’hésite pas à déclarer Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, qui estime qu’il faut « agir vite » pour ne pas se retrouver dans une situation de type Rwanda. Face aux violences inter-communautaires croissante, l’ONU s’apprête à autoriser la France et les pays voisins à intervenir. Voici un « explicateur » sur la situation, publié en août.
La Centrafrique, Etat en faillite et angle mort des médias occidentaux, n’intéresse personne. Plus d’Etat, un climat de violences... elle fait penser au suicide national qui s’est déjà produit en Somalie ou au Liberia dans les années 90.
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A Bangui, « on tue, on viole, on vole »
Il n’y a plus que Bangui, la capitale, qui reste plus ou moins gouvernée. Et encore… Il a fallu un sursaut du nouveau Président, l’ex-chef rebelle Michel Djotodia, en juin, pour qu’un semblant de sécurité revienne dans les rues de la ville. Il a ordonné que des patrouilles mixtes de l’armée centrafricaine et les 1 300 hommes d’une trop petite force sous-régionale, la Force multinationale d’Afrique centrale (Fomac), fassent fuir les bandits et pillards qui écumaient la capitale.
Une Centrafricaine exilée en France raconte le calvaire de ses compatriotes :
« Il y a toujours des agressions à Bangui. On tue, on viole, on vole. J’ai appris récemment qu’une balle perdue a atteint à la jambe une dame au quartier Bruxelles, à Bangui. Les gens sont obligés de sortir, mais ils rentrent tôt parce qu’ils ont peur. Il y a les membres de la Seleka qui agressent, mais aussi des militaires qui en profitent, de même que les godobé, les voyous ordinaires. »
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La Seleka, une rébellion divisée
La rébellion Seleka (« coalition »), dont Michel Djotodia est issu, représente un front hétéroclite de cinq groupes armés, qui a fait tomber le 22 mars le président François Bozizé, au pouvoir depuis 2003.
Depuis, la Seleka est divisée et le pays est à l’arrêt : suspendu des instances de l’Union africaine (UA), il se trouve au ban de la communauté internationale. Ses fonctionnaires, impayés, ne reprennent pas le travail. Seules les écoles privées assurent encore des cours, dans ce qui promet d’être une année blanche pour les élèves.
En principe, des élections doivent être organisées d’ici 2016. En pratique, ce pays grand comme trois fois la Grande-Bretagne mais peuplé de seulement 4,5 millions d’habitants est livré à lui-même – c’est-à-dire à des chefs de guerre de tout poil, dont certains sont des ressortissants tchadiens ou soudanais, qui se livrent aux viols, pillages, meurtres, enlèvements d’enfants pour les enrôler dans leurs rangs.
Ces hommes ont été recrutés par la Seleka, et agissent aujourd’hui hors de tout contrôle, en électrons libres. La pagaille est telle que certains évoquent la nécessité de pourparlers « inter-Seleka ». (...)
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Une situation humanitaire alarmante
Le pays était classé 180e sur une liste de 187 pays, dans l’Indice de développement humain (IDH) publié chaque année par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).
Il affiche la deuxième espérance de vie la plus faible au monde : 49 ans ;
en 2011 déjà, 30% de la population vivait dans l’insécurité alimentaire, et 16% des enfants de moins de cinq ans souffraient de malnutrition ;
selon le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), 206 000 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, et 50 000 réfugiées à l’extérieur ;
Médecins sans frontières (MSF) s’alarme avec d’autres ONG de la progression du paludisme et de l’absence cruelle de médicaments.
L’ONU a promis une aide d’urgence de 7 millions d’euros en juin, et l’UE une rallonge de 8 millions en juillet (soit 20 millions d’euros en 2013). En attendant que ces sommes tombent, la situation ne fait que s’aggraver.
4 Un cycle incessant de coups d’Etat
Comment en est-on arrivé là ? (...)
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Des voisins déstabilisants
La carte de la Centrafrique (Wikimé ; dia Commons/CC)
La situation géographique de ce pays enclavé, coincé entre le Tchad au nord, le Soudan à l’est, le Cameroun à l’ouest, la République démocratique du Congo (RDC) et le Congo au sud, ne l’aide pas (...)
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Une ex-colonie française au parfum de scandale
Le fait que la Centrafrique soit une ancienne colonie française la pénalise peut-être aujourd’hui. Ce pays, qui rappelle encore le fameux scandale des diamants offerts par l’empereur Bokassa à Valéry Giscard d’Estaing, concentre tout ce qui a pu se faire de pire dans la Françafrique.
Il n’intéresse plus Paris, qui y garde cependant une présence militaire permanente de 250 soldats depuis 2002, en raison de sa situation stratégique et de la présence d’expatriés français. Le tout, sous couvert de servir de renfort à une Mission de consolidation de la paix en République centrafricaine (Micopax) qui a été relayée le 1er août par une autre Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca), une force d’interposition lancée en juillet par l’UA pour six mois, qui sera forte de 3 500 hommes, mais qui ne suscite pas de grands espoirs.
Pas question pour la France de voler au secours de Bozizé, qui a trouvé refuge au Cameroun. Quelque 300 militaires français présents au Gabon ont été envoyés en renfort à Bangui lors des troubles de la fin mars, mais ils ne seraient plus que 400 militaires français à Bangui, surtout là pour évacuer les ressortissants français, si la situation l’exige.