
Les écoles du quartier du Garros, à Auch dans le Gers, ont été exclues du réseau d’éducation prioritaire. Elles sont pourtant situées dans le 3ème quartier le plus pauvre de France. Instituteurs et parents d’élèves ont décidé de résister à cet abandon, un an et demi après la visite de François Hollande qui y lançait sa réforme de la politique de la ville. Celle-ci se résume aujourd’hui à la construction d’une route, censée désenclaver la cité. Reportage auprès des enseignants et des habitants en lutte.
Si le Gers est le pays du bonheur dans le pré, alors le quartier du Garros, c’est le tas de compost que l’on dissimule derrière la haie. L’image d’Épinal véhiculée par le film d’Étienne Chatiliez sur le Gers cache une réalité nettement plus rugueuse : un département rural, pauvre et enclavé, avec une population très dispersée dans une campagne profonde [1]. « De ces particularités est né un réseau scolaire très dense : 229 écoles dont 114 au sein de 49 regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) accueillaient 14 151 élèves à la dernière rentrée. Un dispositif caractérisé par de nombreuses petites structures : 80 % des écoles ont 4 classes ou moins et 32 % n’ont qu’une classe », analysait le syndicat enseignant Snui-PP au printemps 2014.
Et voilà qu’au cœur de cette réalité campagnarde, à la faveur de l’ajout de deux indicateurs, Paris découvre que dans le Gers, il y a aussi une zone urbaine sensible qui entre directement dans le top 5 des quartiers les plus défavorisés de France. D’après le Préfet du Gers, le quartier du Garros, à Auch, serait le 3e quartier le plus défavorisé de France [2]. Au même moment, au cœur de ce quartier et à la faveur d’une autre modification de critères, quatre écoles sortent du dispositif de l’éducation prioritaire à la stupéfaction et la colère des parents et enseignants.
« Déclaré mardi prioritaire pour la rénovation urbaine, le quartier du Garros à Auch a appris mercredi qu’il ne l’était plus pour les écoles. Maternelle et élémentaire du quartier quittent le Réseau d’éducation prioritaire (REP) sur décision de la ministre de l’Éducation nationale », annonçait France 3 le 18 décembre [3]. Depuis plus d’un mois, les parents du Garros occupent leurs écoles afin que les politiques d’aides aux quartiers défavorisés cessent de se tirer dans les pattes et de reprendre de la main gauche, ce que la main droite avait si difficilement concédé. (...)
« Vu de drone, on ne voit pas les gens finalement. Les techniques du journalisme de guerre appliquées au reportage de proximité… Double périphérie : une cité chez les ploucs. Double éloignement des centres du pouvoir. Double dose de clichés, double discrimination... » (...)
« En fait, toute la politique d’éducation prioritaire tourne maintenant autour des collèges. Or, justement, pour favoriser la mixité sociale, tous les enfants du quartier se répartissent entre les trois collèges publics du reste de la ville. Comme aucun de ces collèges n’est en zone prioritaire et bien, hop, on peut sortir les écoles du dispositif et supprimer des postes et les quelques moyens supplémentaires que nous avions », détaille Nordine. (...)
Quelle est la logique de tout cela ? La priorité ? Pas les gamins, pas l’éducation… Sans compter que depuis deux ans, un nouveau phénomène se profile : de nouveaux arrivants venus du reste de l’Europe sinistrée tentent de dégoter ici un travail même dégradé, qu’ils ne trouvent plus chez eux. Les enfants débarquent en classe sans parler un mot de français. Il n’y a plus personne pour les aider ou les soutenir. (...)