
Les inquiétudes sur l’évolution de Twitter depuis son rachat par Elon Musk poussent la communauté scientifique à essayer le réseau de communication Mastodon, voire à migrer.
Un vent numérique de nouveauté a balayé les laboratoires de recherche du monde entier depuis le début de novembre. Par milliers, des doctorants, des postdocs ou des permanents ont décidé d’essayer un outil de microblogging, Mastodon, qui, par certains aspects, ressemble à Twitter, le réseau social de plus de 300 millions de comptes, récemment racheté par Elon Musk. Les changements radicaux annoncés, mis en place, annulés, relancés… par ce dernier, notamment sur la modération, ont fait craindre à certains scientifiques que leur espace préféré de discussions disparaisse ou devienne invivable. D’où leur « migration ».
« Il y a déjà beaucoup d’ego démesurés et de personnalités bruyantes dans le monde scientifique, et il est certain que ces personnalités se plaisent sur une plate-forme comme Twitter, qui est alimentée par le battage médiatique et l’attention. Sur Mastodon, le rythme est beaucoup plus lent, plus calme, et l’ambiance est plus conviviale et à taille humaine. Il n’y a pas de métriques à alimenter, d’algorithmes à nourrir ou d’images de marque à soigner », résume Dave Williamson, créateur, dès 2017, quelques mois après le lancement de Mastodon, d’un serveur, scicomm.xyz, consacré à la vulgarisation scientifique sur ce réseau social.
Mastodon a la particularité d’être un réseau décentralisé et fédéré. (...)
Des dizaines d’instances, sur des milliers, liées aux sciences, sont apparues : mathstodon.xyz, mstdn.science, fediscience.org, astrodon.social, social.sciences.re… « Les premiers jours étaient surtout marqués par des questions techniques, la découverte d’une nouvelle application, de nouveaux “codes sociaux”, observe Alexis Simon. Puis l’activité est devenue plus scientifique et constitue maintenant le gros des discussions. » (...)
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Mark McCaughrean a déplacé sa maison en ligne par étapes. M. McCaughrean, astronome à l’Agence spatiale européenne, a un profil sur Twitter depuis de nombreuses années. Au printemps, lorsqu’Elon Musk a proposé pour la première fois d’acheter la plate-forme de médias sociaux utilisée par près de 240 millions de personnes dans le monde, beaucoup ont craint qu’un tel achat ne renforce la méchanceté de Twitter et ne permette à la désinformation de noyer le discours raisonnable - Musk se qualifie lui-même d’"absolutiste de la liberté d’expression" et a promis de ne plus censurer de comptes. Mais pour McCaughrean, c’était plus que cela. "McCaughrean a donc décidé d’ouvrir un profil sur Mastodon, un rival récent et beaucoup plus petit sur Twitter. "J’y ai simplement laissé un nom d’utilisateur", dit-il. Mais il y a deux semaines, après la conclusion de la vente de Twitter, McCaughrean a commencé à utiliser la nouvelle plateforme. "Avec 16 000 followers, McCaughrean n’est pas une célébrité de Twitter, mais il est l’un des innombrables scientifiques qui ont utilisé la plate-forme pour entrer en contact et débattre avec leurs collègues du même domaine, ainsi qu’avec des scientifiques d’autres domaines, des artistes, des journalistes et le grand public.
Considéré à l’origine par beaucoup comme une plate-forme d’autopromotion, Twitter a également été, ces dernières années, le lieu de discours haineux, notamment à l’encontre de scientifiques. Mais avec le temps, Twitter est devenu un bien public majeur, selon Michael Bang Petersen, politologue à l’université d’Aarhus (@M_B_Petersen, 33 000 followers). "Je pense qu’il a joué un rôle important dans la diffusion des connaissances à l’échelle mondiale et entre les scientifiques et le public, par exemple lors de la pandémie "Pourtant, avec l’incertitude sur la façon dont Twitter va changer sous Musk, plusieurs des milliers d’experts médicaux et scientifiques sur la plate-forme ont commencé à chercher des alternatives ou envisagent d’abandonner complètement les médias sociaux. (...)