
Alors qu’on les accuse de participer à la dissémination des mauvaises herbes dans les champs cultivés, une étude de l’Inrae démontre au contraire que les haies peuvent être d’une importance capitale au regard des enjeux environnementaux.
Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, la France reconstruit ses villes et ses campagnes. Fier de son passé agricole, le pays engage une phase de modernisation des exploitations. Tracteurs, moissonneuses-batteuses, pesticides et engrais de synthèse rejoignent les champs et participent à modifier drastiquement les pratiques agricoles.
La ferme familiale traditionnelle est remplacée par une exploitation agricole gérée scientifiquement où la machinisation et la culture de variétés moins diversifiées, mais plus rentables sont privilégiées. Les petites parcelles sont unifiées afin de créer des espaces plus adaptés au passage des machines agricoles, au détriment des végétaux présents, arbres, bosquets, prés-vergers, mais aussi les haies considérées par les agriculteurs comme vectrices de nuisibles, mauvaises herbes comme insectes ravageurs.
Une récente étude publiée dans le Journal of Applied Ecology pousse pourtant à reconsidérer la présence des haies autour des champs. Les scientifiques de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) en partenariat avec l’Université de Rennes, du CNRS et de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) démontrent que les bocages, en particulier grâce à la présence des haies, permettraient de favoriser la diversité végétale des mauvaises herbes, tout en limitant leur prolifération. (...)
Selon les données de l’office français de la biodiversité (OFB), près de 750 000 km de haies vives ont disparu au profit de la culture céréalière et l’élevage intensif, soit 70 % des haies du bocage français. Il est estimé qu’entre 1960 et 1980, la France a perdu 45 000 km de haies par années, avant de réduire à des pertes de 15 000 km par an autour des 1990.
Bien que les pertes se soient stabilisées depuis 1990, la recherche scientifique montre aujourd’hui que les croyances et les habitudes agricoles d’éradication des haies ont plutôt été délétères. Les haies, et plus globalement les bocages, se révèlent être d’excellents gardiens de la stabilité des écosystèmes, de la conservation de la biodiversité à la régulation du microclimat. (...)
Pour une plus grande diversité de mauvaises herbes (...)
Depuis 2010, près de 3 millions de tonnes d’herbicides sont utilisées chaque année dans le monde, tuant au passage des végétaux pourtant indispensables à l’équilibre de la biodiversité. Dans ce contexte de dégradation de la fertilité des sols, les chercheurs agronome tentent de réactualiser les vieilles pratiques agricoles parfois plus adaptées aux enjeux de climat et de biodiversité. (...)
il s’avère que ce ne sont pas toutes les mauvaises herbes qui participent à la baisse de rendement des cultures. Elles seraient même une minorité à l’être. Pour les autres, leur simple présence permet une meilleure stabilité des écosystèmes agricoles. Et c’est ce qu’ont été vérifier les scientifiques à l’origine de l’étude. (...)
Donc au contraire des légendes, les haies ne facilitent pas la prolifération des mauvaises herbes, mais assurent leur diversité.
Comme l’indique l’étude, un corpus de plus en plus important de textes scientifiques abonde pour un retour de cette diversité d’adventices qu’on a si longtemps voulu chasser. (...)
Et cette diversité contrôlée est possible notamment par la réintégration des haies dans les champs. Mais cela implique une transformation majeure des pratiques et des outils agricoles.
Réconcilier l’agriculture et la biodiversité (...)
La standardisation de l’agriculture moderne aura permis des avancées majeures dans la mécanisation des outils et dans la baisse de la pénibilité au travail pour les agriculteurs. Mais pour les auteurs de l’étude, « La préservation et la restauration des habitats semi-naturels sont primordiales pour réconcilier production agricole et conservation de la biodiversité », tiennent-ils à rappeler dans un communiqué. Cela nécessite donc de transformer grandement le système agricole actuel porté sur le rendement et la productivité, et de sortir de cette dépendance à des outils techniques maintenant dépassés. Une réappropriation de bonnes pratiques agricoles, dont les haies bocagères et l’agroforesterie font partie, et le déploiement de pratiques agroécologiques sont indispensables afin de proposer un modèle agricole plus cohérent avec les enjeux socio-écologiques liés à l’agriculture.