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Dans les médias, le discours transphobe se répand sans retenue ni scrupule
#transphobie
Article mis en ligne le 25 novembre 2022
dernière modification le 24 novembre 2022

Depuis la polémique autour du Planning Familial en août dernier, les médias s’emparent du sujet de la transidentité… par le prisme d’arguments et d’invités transphobes

Cette émergence d’un discours médiatique autour des personnes trans s’est faite par l’intermédiaire des paroles transphobes de personnalités comme la militante Marguerite Stern ou l’influenceuse et créatrice du compte@Tasjoui, Dora Moutot. Cette dernière avait été invitée en octobre dernier par Léa Salamé sur le plateau de Quelle époque face à Marie Cau, première femme trans élue maire en France. 

« Dora Moutot qui passe chez Salamé, cela donne un sentiment assez amer, soupire Agathe, membre du collectif féministe Toutes des Femmes, qui allie femmes trans et cisgenre dans la lutte contre les violences. On voit le travail qu’on arrive à faire, la sensibilisation, on essaye de trouver des alliés, et pour autant, auprès de certains médias, on n’est qu’un sujet de société. Ils ne voient pas les personnes derrière » 
Le discours transphobe dans les médias ne date pas d’hier

Pour Karine Espineira, sociologue des médias, « la question trans est abordée différemment depuis quarante ans, souvent dans la maladresse et la méconnaissance du sujet ». Elle voit une évolution significative à la fin des années 2000, au moment où les associations LGBTQ + ou de personnes trans se professionnalisent, notamment dans le domaine de la santé ou la revendication de droits comme la facilitation de changement d’état civil pour les personnes qui transitionnent. « Les médias ont commencé à prendre la mesure des revendications, le vocabulaire et les questions ont évolué ».

 Mais depuis trois ans, la montée de discours conservateurs et réactionnaires au Royaume-Uni et aux Etats-Unis se fait sentir aussi dans l’Hexagone. (...)

Cette émergence d’un discours médiatique autour des personnes trans s’est faite par l’intermédiaire des paroles transphobes de personnalités comme la militante Marguerite Stern ou l’influenceuse et créatrice du compte@Tasjoui, Dora Moutot. Cette dernière avait été invitée en octobre dernier par Léa Salamé sur le plateau de Quelle époque face à Marie Cau, première femme trans élue maire en France. 

« Dora Moutot qui passe chez Salamé, cela donne un sentiment assez amer, soupire Agathe, membre du collectif féministe Toutes des Femmes, qui allie femmes trans et cisgenre dans la lutte contre les violences. On voit le travail qu’on arrive à faire, la sensibilisation, on essaye de trouver des alliés, et pour autant, auprès de certains médias, on n’est qu’un sujet de société. Ils ne voient pas les personnes derrière » 
Le discours transphobe dans les médias ne date pas d’hier

Pour Karine Espineira, sociologue des médias, « la question trans est abordée différemment depuis quarante ans, souvent dans la maladresse et la méconnaissance du sujet ». Elle voit une évolution significative à la fin des années 2000, au moment où les associations LGBTQ + ou de personnes trans se professionnalisent, notamment dans le domaine de la santé ou la revendication de droits comme la facilitation de changement d’état civil pour les personnes qui transitionnent. « Les médias ont commencé à prendre la mesure des revendications, le vocabulaire et les questions ont évolué ».

 Mais depuis trois ans, la montée de discours conservateurs et réactionnaires au Royaume-Uni et aux Etats-Unis se fait sentir aussi dans l’Hexagone. (...)

 Les personnes trans sont un groupe social vulnérable, dont la médiatisation est très récente : les conservateurs se sont le plus nourris à ce moment-là. » (...)

Si les discours transphobes dans les médias ne sont pas nouveaux, ses figures de proue, comme Dora Moutot, ne sont pas nouvelles non plus. (...)

« Tout ce discours s’inscrit après ceux de la Manif pour Tous et des mouvements contre les "théories du genre" à l’école. C’est l’un des multiples avatars de cette galaxie réactionnaire qui se renouvelle et qui trouve de nouveaux angles d’attaque pour faire avancer leurs idées » ajoute la militante de Toutes des Femmes. 

D’autant que comme l’explique Karine Espineira, « les personnes qui portent ces messages ont accès à beaucoup de médias qui leur offrent des tribunes sans prendre la mesure de ce qui a été dit ». (...)

La multiplication des productions transphobes portée par des arguments et un vocabulaire réactionnaire (...)

Selon Agathe de Toutes des Femmes, « cette production de documentaires n’existerait pas s’il n’y avait pas d’autres réseaux pour soutenir ça : tous les journaux qui publient ces tribunes donnent des moyens et de la visibilité sur ces sujets-là ». De Marianne au Figaro Vox en passant par Valeurs Actuelles, la parole transphobe est décomplexée. (...)

Parmi les arguments mobilisés par les mouvements anti-trans, on retrouve l’idée du « grand remplacement à la sauce transphobe, avec la peur que les femmes soient effacées » cite Agathe. (...)

Mais surtout, l’argument qui revient inlassablement, c’est celui de la protection de l’enfance, comme pendant la période de la Manif pour Tous ou de l’ABCD de l’égalité porté par Najat Vallaud-Belkacem sous le quinquennat de François Hollande. « Les arguments autour des enfants sont faciles à utiliser pour la désinformation, et ont été l’entrée pour créer une panique morale, explique Karine Espineira. Sur la question des bloqueurs de puberté par exemple, de fausses informations ont été diffusées, sans vérification. » 

Des extraits du documentaire Petite Fille de Sébastien Lifshitz ont ainsi été sortis de leur contexte et utilisés pour prouver une mutilation des enfants via les transitions de genre, et ce dès l’enfance. Karine Espiniera dénonce aussi l’utilisation de tout un vocabulaire issu des sphères réactionnaires. (...)

Mais surtout, l’argument qui revient inlassablement, c’est celui de la protection de l’enfance, comme pendant la période de la Manif pour Tous ou de l’ABCD de l’égalité porté par Najat Vallaud-Belkacem sous le quinquennat de François Hollande. « Les arguments autour des enfants sont faciles à utiliser pour la désinformation, et ont été l’entrée pour créer une panique morale, explique Karine Espineira. Sur la question des bloqueurs de puberté par exemple, de fausses informations ont été diffusées, sans vérification. » 

Des extraits du documentaire Petite Fille de Sébastien Lifshitz ont ainsi été sortis de leur contexte et utilisés pour prouver une mutilation des enfants via les transitions de genre, et ce dès l’enfance. Karine Espiniera dénonce aussi l’utilisation de tout un vocabulaire issu des sphères réactionnaires. (...)

D’autant qu’en faisant leur chemin dans l’espace médiatique, ces idées mettent les personnes en danger hors du petit écran.
Une « incompréhension des vies trans » qui tue

Mais alors, pourquoi les médias n’invitent pas plus de personnes trans pour parler des questions qui les concernent ? Pour Rita, d’XY Média, il a plusieurs raisons : « Déjà, une question de classe : quand vous êtes trans, c’est parfois plus compliqué de prendre la parole. De plus, il y a un aspect très sexualisant et une curiosité malsaine envers les personnes trans. Enfin, tout simplement, il y a la transphobie qui déshumanise les personnes concernées, comme si les personnes trans étaient des entités séparées, dont l’existence serait en débat ».

Pour Karine Espineira, il y aurait une crainte de la part des médias de la parole des concernés. (...)

D’autant que ces paroles transphobes relayées dans les médias a des conséquences réelles sur la vie des personnes concernées. « À titre personnel, à force qu’on nous décrive comme une forme de menace constante, ça joue beaucoup sur l’anxiété. Il y a toute une gamme d’actes transphobes, de la gêne jusqu’à la violence verbale ou physique. Cela nous amène à nous bloquer dans ce qu’on aurait le droit d’avoir et d’attendre de la vie » témoigne Agathe. 

Ces propos peuvent aussi jouer un rôle majeur dans l’accompagnement des plus jeunes personnes trans par leurs familles. « Cela affole les parents, ça tape sur l’estime soi, ça empêche un bon accompagnement des enfants », rappelle Karine Espineira. La communauté trans, plus précaire et isolée, est alors davantage exposée au risque de suicide. « Ces propos sont dangereux et risquent de conduire à ça sur le moyen terme » alerte la sociologue des médias.

Le 20 novembre dernier, comme chaque année, la Journée du Souvenir Trans commémorait les victimes de la transphobie. Selon le rapport du Trans Murder Monitoring, entre octobre 2021 et octobre 2022, au moins 327 personnes trans ont été tuées dans le monde, chiffre sûrement sous-estimé. (...)