
En banlieue lyonnaise, comme dans beaucoup d’autres quartiers populaires de France, les pouvoirs publics détruisent tours et barres d’immeubles vétustes, en espérant également « casser le ghetto ». Faute de logements neufs à loyer modéré, les locataires sont souvent obligés de quitter leur quartier voire leur ville, alors que leurs anciens immeubles sont peu à peu remplacés par des résidences dans lesquelles ils n’ont plus les moyens de vivre. Reportage à l’UC1 de Bron, une barre délabrée qui borde le périphérique lyonnais, où vivent encore une soixantaine de familles en attente d’un relogement.
Dans ce paquebot de béton, symbole de l’urbanisme des années cinquante, vivaient 330 familles. Il n’en reste plus qu’une soixantaine, qui devront toutes partir d’ici juillet prochain, avant que le bâtiment appelé UC1, pour « unité de construction n°1 », ne soit détruit – pour un coût de 9,4 millions d’euros, porté par le bailleur social Lyon métropole habitat. Il restera alors encore six « unités de construction » dans ce quartier classé comme une priorité nationale par l’Agence nationale de renouvellement urbain (Anru). « Lyon Métropole Habitat m’a proposé d’emménager à l’UC2 puis à l’UC4, mais j’ai refusé les deux propositions. Je veux rester à Bron, j’aime mon quartier. Mais si c’est pour être relogé dans les autres UC, dans les mêmes conditions, très peu pour moi », continue Ali Mouzda, en montrant du doigt la fenêtre de son salon qui donne sur le périphérique Est et ses onze voies de circulation.
D’un immeuble vétuste à un autre (...)
A cause du gouvernement, les HLM neufs deviennent une vraie denrée de luxe
Les logements neufs se raréfient. Avec la réduction des loyers de solidarité, prévue par la loi de finances 2018, le gouvernement Macron a étranglé financièrement les bailleurs sociaux, en les privant d’une partie de leur ressource financière : les loyers. Les bailleurs ont en outre dû compenser la baisse des APL – les fameux 5 euros par mois – en baissant encore les loyers. « Concrètement ça fait cinq millions de recettes en moins pour nous cette année, et dix millions l’année prochaine. C’est autant d’investissement et de construction de logements neufs en moins », dénonce Paul-Antoine Lacombe, chef d’agence du bailleur social Lyon Métropole Habitat.
Les effets se feront sentir dans les années à venir, lors des prochaines opérations de renouvellement urbain, quand les HLM neufs deviendront une vraie denrée de luxe. (...)
L’État, et son émanation, l’Anru, poussent à démolir des tours. Mais si la viabilité financière des bailleurs ne suit pas, comment assurer un stock suffisant de logements sociaux pour les personnes à reloger ?
« Une reconcentration des plus pauvres »
Pour les grandes institutions publiques comme l’Anru et pour les responsables politiques, démolir les tours les plus emblématiques de la ségrégation spatiale, comme l’UC1, et en faire migrer les habitants, est présenté comme un moyen de créer de la « mixité sociale », de casser le ghetto. Pourtant, le relogement des locataires des HLM montre aussi parfois le revers du renouvellement urbain, celui des perdants du relogement, un processus que la sociologue Christine Lelévrier, professeure à l’École d’urbanisme de Paris, décrit comme « une reconcentration des plus pauvres dans les bâtiments existants, et la localisation des nouveaux programmes aux marges plutôt qu’au cœur du quartier ». (...)
Moins de logements sociaux disponibles (...)
La rénovation urbaine et les beaux principes de « mixité sociale » serviraient-ils en fait à réduire discrètement la proportion de logement social dans la commune ? C’est ce que pense l’association Droit pour tous. (...)