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Grève SNCF : le JDD et l’IFOP donnent le tempo de la démobilisation
Article mis en ligne le 24 mai 2018

Dans un précédent article, nous observions les médias « théoriciens de l’ essoufflement qui vient », et analysions le verdict démobilisateur porté sur les grèves. Un autre refrain se fait entendre : les grèves seraient « impopulaires » et « non soutenues » par les fameux « les Français ». À l’appui de telles affirmations ? Une myriade de sondages – l’IFOP en premier de cordée –… et leur lot de manipulations grossières, commandées et relayées chaque semaine par le Journal du Dimanche.

Depuis fin mars, de nombreux médias s’attellent, le Journal du Dimanche en tête, à montrer semaine après semaine que la mobilisation est en baisse et que le soutien populaire aux grévistes de la SNCF, « minoritaire » au départ, s’effrite au fil des jours. Avec le renfort de l’IFOP, son principal partenaire, le JDD a commandé et relayé pas moins de cinq sondages sur le seul mois d’avril – auxquels s’ajoutent deux nouveaux crus depuis le début du mois de mai – qui ont tous donné le « la » de la couverture de la grève dans les médias dominants [1]. La publication des ces sondages par le journal dominical a suivi un tempo réglé comme une horloge : (...)

Si nous avons déjà commenté l’inanité des méthodes sondagières dans un précédent article et les méfaits des usages médiatiques de leurs résultats, il nous faut brièvement commenter les pratiques du journal dominical. Car l’application méthodique du JDD à systématiquement titrer selon le curseur et la variable qui seront les plus défavorables aux grévistes et/ou encourageants pour le gouvernement est pour le moins déconcertante. Plusieurs exemples : (...)

Le JDD jongle dans un deuxième temps avec les deux critères relatifs à l’action gouvernementale (« pense-t-on » ou « souhaite-t-on » que le gouvernement aille au bout de la réforme) selon celui qui lui sera le plus favorable. C’est ainsi que le 31 mars, plutôt que de titrer sur la hausse des soutiens, le JDD choisit le chiffre écrasant de 72%, mettant ainsi en valeur ceux qui pensent que le gouvernement ira au bout, à défaut d’afficher le taux de ceux qui le souhaitent (51%). Méthode inverse deux semaines plus tard, où est cette fois mis en avant le pourcentage des Français qui le souhaitent – probablement parce que le chiffre est plus impressionnant (61%). (...)

« Le gouvernement semble en passe de remporter la bataille de l’opinion »
Les jeux sont faits, rabâche l’hebdomadaire. Et non contente de se livrer à des manœuvres grossières pour commenter les sondages, la rédaction jongle, en guise d’analyse qualitative, avec un nombre restreint de formulations véhiculant systématiquement un sentiment de démobilisation sociale : « Pour les Français, Macron ne cédera pas », « L’opinion semble se figer dans une approbation majoritaire de la réforme de la SNCF », « le soutien à la grève s’érode depuis deux semaines », « "Avantage" au gouvernement ». Des propos redondants avec ceux du directeur général adjoint de l’IFOP, seul interlocuteur convoqué pour commenter ces chiffres dans les différents articles, à une exception près : dans l’article du 7 avril, la parole est également donnée à… Matignon ! (...)

Quand les sondeurs se grattent le nez, les médias éternuent
Évidemment, chaque salve sondagière est l’occasion pour les grands médias d’en décupler l’écho. Le dernier sondage IFOP pour le JDD a largement été repris depuis le 19 : (...)

Depuis le début du mouvement social, la plupart des médias prédisent ou annoncent « l’essoufflement » des grévistes, « l’essoufflement » des soutiens aux grévistes, bref, l’essoufflement du mouvement social tout court. Un leitmotiv qui repose, entre autres trouvailles, sur un ressort de poids : la commande et la publication de sondages par le JDD, un journal à la périodicité stratégique. Car depuis la fin mars, aucune semaine n’aura été épargnée par les balourdises de l’IFOP, reprises à l’envi par de nombreux grands médias, n’ayant de cesse de titrer sur l’affaiblissement des soutiens. C’est en se parant de cette pseudo rigueur scientifique et en tirant profit du suivisme médiatique que l’IFOP, le JDD et compères mènent de front la « bataille de l’opinion » dont ils prétendent rendre compte. Réduite à une courbe et à quelques chiffres, l’information ainsi triturée, maltraitée et déformée méprise la mobilisation et les grévistes luttant depuis deux mois. Mais le passé a déjà montré que la réalité des luttes sociales ne se plie pas toujours aux fantasmagories des sondeurs et autres commentateurs professionnels…