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Rue 89 / Nouvel Observateur
David Haines décapité, la réponse djihadiste à l’Occident en « croisade »
Article mis en ligne le 14 septembre 2014

Le meurtre d’un troisième otage par les djihadistes, un humanitaire écossais, David Haines, 44 ans, décapité à son tour, après les deux journalistes américains, constitue la première réponse de l’autoproclamé Etat islamique à la mobilisation internationale conduite par les Etats-Unis pour les combattre.

Cette riposte destinée à choquer les Occidentaux a des allures de défi, comme si les dirigeants de ce mouvement d’un nouveau type, experts en communication et en réseaux sociaux, voulaient signifier qu’ils ne redoutaient pas la confrontation annoncée.

En mettant en scène, puis en ligne, les cérémonies cruelles de décapitation d’Occidentaux, l’EI dépasse son maître Al Qaeda, dont il est issu mais avec lequel il a rompu.

Il atteint son but si l’on en juge par l’afflux de jeunes musulmans issus des pays occidentaux pour rejoindre les rangs djihadistes, convaincus de donner un sens sacrificiel à leur vie plutôt que de végéter aux marges des sociétés européennes.

Comment répondre à ce défi qui est né et a prospéré dans les chaos irakien et syrien, deux crises symptomatiques du monde actuel ?

la première est née de la folie idéologique de l’administration Bush qui, sur la base d’un mensonge, a renversé le dictateur Saddam Hussein en pensant libérer les forces de la démocratie libérale, et se retrouve avec la résurgence des conflits confessionnels et ethniques ;

la seconde est née du soulèvement d’un peuple contre une des dictatures les plus féroces du Moyen-Orient, et de l’enlisement de cette révolution oubliée de tous, transformée en guerre civile dont les plus radicaux ont fait leur miel.

Il y a une ironie cruelle dans le fait que les Etats-Unis, responsables actifs de la première crise, et passifs de la seconde, prennent aujourd’hui la tête de la coalition anti-djihadistes. Ils restent évidemment les seuls à disposer des capacités militaires et politiques pour mener cette action, mais peuvent-ils véritablement s’engager dans une nouvelle aventure militaire dans cette région sans s’interroger sur ce qui a mal tourné précédemment ?

Contradictions

D’autant qu’ils se heurtent, à chaque pas, aux contradictions de l’opération

les rebelles modérés syriens, dont Barack Obama a fait l’un des fers de lance de la guerre anti-djihadistes, refusent de s’engager s’ils n’ont pas l’assurance que la chute de Bachar el-Assad est bien au programme ;

l’Iran, si influent dans la région, se retrouve dans le même camp que les Etats-Unis en Irak, mais contre eux en Syrie, l’autre « front » de la lutte anti-djihadistes. Et Téhéran a été écarté de la réunion de lundi à Paris ;

la Turquie, voisine, membre de l’Otan, et si impliquée depuis le début de la crise syrienne dans une diplomatie et des actions pas toujours transparentes, refuse de se joindre à la coalition, un échec pour Washington ;

la France, l’un des pays les plus allants pour rejoindre l’action militaire en Irak, refuse cette fois de s’engager en Syrie en l’absence de résolution de l’ONU, alors qu’il y a un an, lors de l’affaire des armes chimiques, c’était Paris qui poussait Washington à bombarder les positions de Bachar el-Assad...
l’Arabie saoudite, soupçonnée d’avoir été le bailleur de fonds des djihadistes, directement ou par le biais de certaines grandes familles, se retrouve aujourd’hui, par un tour de magie, dans le camp vertueux des anti-djihadistes.

Ce ne sont que quelques-unes des contradictions que les Américains et leurs alliés devront résoudre avant de passer aux choses sérieuses.(...)