
Le 26 octobre 2014, Rémi Fraisse, militant écologiste, non-violent, tombait à Sivens, victime du tir d’une grenade offensive. Depuis, sous le quinquennat de François Hollande, il n’y a pas eu d’autres morts dans des manifestations mais le pouvoir socialiste ne le doit qu’au hasard. Avec le projet de loi El Khomry, la tension sociale est montée d’un cran et la répression a gagné en intensité. La violence des forces de l’ordre, qui est de plus en plus souvent filmée et relayée par les réseaux sociaux, y apparaît gratuite, incohérente, impulsive, et s’exerçant souvent à l’encontre de manifestants désarmés et sans agressivité particulière.
. Le fameux LBD (Lanceur de balles de défense dont la marque Flash-ball est la plus connue) a été utilisé à de multiples occasions, blessant voire mutilant gravement : à Rennes un jeune étudiant en géographie a perdu un œil. A l’évidence, les conditions actuelles d’utilisation de cette arme ne permettent pas de se prémunir contre le risque d’accident mortel puisqu’ il est admis que « le système LBD présente des effets traumatiques dont la sévérité peut entraîner des lésions graves pouvant être irréversibles voire mortelles » à courte distance. Le défenseur des droits, Jacques Toubon, saisi de plusieurs plaintes, avait d’ailleurs demandé en juillet 2015 l’interdiction du flash-ball dans un contexte de manifestation publique mais les syndicats de police tiennent à leur bel outil. Un nouvel engin, le LBD 40x46, est destiné à remplacer progressivement le flash-ball du fabricant Verney-Carron, jugé trop imprécis, mais il apparaît tout aussi redoutable dans les mains de policiers non suffisamment formés et encadrés. Le LBD 40X46 est en effet une arme de guerre, plus précise mais aussi plus puissante que le flash-ball ; un appel demandant son interdiction vient d’être signé par un certain nombre de personnalités (ici) .
Mais, après tout, ne sommes-nous pas en guerre ? Ce pouvoir a décidément fait sienne la stratégie de la tension. Une contestation résolue, pacifique, déterminée, représente sans doute un danger trop important pour ce gouvernement à la dérive. Le désordre effraie toujours les braves gens : des émeutes et des nuits agitées sont sans doute politiquement préférables à des manifestations de citoyens responsables et à des Nuits debout. Le ministre de l’Intérieur peut ainsi justifier l’injustifiable alors même que des mesures de prévention et d’encadrement préalable pourraient dissuader les fauteurs de trouble d’agir et éviter ainsi que des défilés ne dégénèrent en champs de bataille. La répression aveugle est assumée voire encouragée : Bernard Cazeneuve continue inlassablement à stigmatiser la violence des casseurs, à déplorer les nombreux blessés dans les rangs des forces de l’ordre, et à couvrir ainsi implicitement les débordements de ses agents.
Tout comme à Sivens, la mort d’un manifestant serait forcément accidentelle. . .
Noël Mamère, interviewé récemment au micro de France Inter, rappelait que, selon lui, la ligne rouge avait été franchie par François Hollande et Manuel Valls lors de la proposition de révision constitutionnelle sur la déchéance de nationalité. Certes, mais la lutte contre le terrorisme n’est pas le seul domaine entaché de discriminations inacceptables et de concessions incessantes à la droite la plus extrême. La politique économique et sociale de nos socialistes libéraux-sécuritaires tourne aussi résolument le dos aux valeurs de solidarité et de justice qui devraient inspirer un gouvernement se réclamant de la gauche. Et l’humanisme le plus élémentaire disparaît lorsque ce pouvoir réprime au risque de tuer ou de mutiler des manifestants qui descendent dans la rue pour protester contre une loi de régression sociale sans précédent, en passe d’être imposée aux Français par le « 49.3 »
Pour « moderniser, protéger et permettre à la France d’aller mieux », François Hollande s’est installé avec tous ses ministres de l’autre côté de la ligne rouge, dans le camp du patronat et de la droite la plus dure.