
Elle est là, tout autour de nous. Elle grandit, s’enrichie, s’infiltre, se déguise. L’extrême droite n’est plus simplement une menace lointaine. Elle agit, s’organise, menace, agresse. L’heure est grave mais le gouvernement est aux abonnés absents dans cette lutte pourtant cruciale. Pire, il est le complice direct de cette percée. Son inaction et son silence fait office de marchepied. Ses attaques incessantes contre la gauche ont pour dessein de nous chasser hors du champ républicain à des fins politiciennes, tandis que Marine Le Pen est traitée comme une adversaire et non comme l’ennemie qu’elle est. Les stigmates sont inversés, les mots sont dévoyés, les actes politiques se trompent de cible. La montée du fascisme en France est terrifiante tant elle opère sans qu’aucune barricade républicaine ne soit érigée par ceux qui en ont les moyens. Et quand il sera trop tard, qu’allons-nous faire ?
Le 6 mai, la préfecture de police et le ministère de l’Intérieur ont laissé se tenir une manifestation naziedans les rues de la Capitale. Une manifestation organisée par le Comité du 9 mai, collectif fondé par le GUD et le FNJ en 1994. Il faut dire les choses et personne ne pouvait l’ignorer. Le C9M est une organisation néo-nazie et suprémaciste, qui érige en valeur cardinale la supériorité de la race blanche. Si nous nous savions, comment les services de renseignements ont pu passer à côté ? Et ce n’est qu’un exemple, de la campagne d’affichage réalisée par ce collectif en 2022 avec des affiches reproduisant un bas-relief réalisé en 1940 par le sculpteur allemand Arno Breker, artiste de référence en Allemagne nazie et apprécié par Adolf Hitler.
Contrairement aux propos du préfet de Paris Laurent Nunez, cette manifestation de nazis représentait un « trouble à l’ordre public ». Elle n’aurait jamais dû être autorisée. (...)
Pendant ce temps, la presse se regardait le nombril. Le 8 mai, deux jours plus tard, nous célébrions la victoire des forces alliées sur l’Allemagne nazie. Nous célébrions la résistance face à la haine, le courage face à la violence, la délivrance d’un mal qui a rongé le monde. Si cette année, Emmanuel Macron a décidé de mettre à l’honneur Jean Moulin, rappelons-nous sa tentative de réhabilitation de Pétain lors d’un hommage des plus déplacé, taxant de « grand soldat » celui qui collabora et trahit son pays. Dès lors, l’évocation de Jean-Moulin, grand résistant français, dans la bouche de celui qui a voulu réhabiliter Pétain, est d’une indignité toute particulière.
L’extrême droite agit. Jeudi soir, en pleine séance parlementaire sur la loi relative aux drapeaux européens, nous apprenions la démission de Yannick Morez, maire de Saint-Brévin, dont le domicile a été incendié par militants d’extrême-droite alors qu’il défendait l’ouverture d’un centre d’accueil de demandeurs d’asiles sur sa commune. Une décision, et il faut le rappeler, qui est le fruit d’un choix de l’Etat.
Cette démission fracassante, après 32 ans de mandat au service des habitants, est un électrochoc pour le pays. (...)
hommage à ce maire, à son dévouement et pour dénoncer une situation inacceptable. Les élus du Rassemblement national ont refusé de se lever, faisant apparaitre le visage qu’ils s’efforcent de camoufler. Cela n’est pas sans rappeler la situation qui s’est produite à Callac il y a quelques mois, où plusieurs élus locaux dont le maire ont été victimes d’intimidation et de menaces de mort suite à leur projet d’accueillir des réfugiés dans la commune. Face à cette situation, j’avais à plusieurs reprises interpellé Gérald Darmanin et Éric Dupond Moretti, apprenant que les plaintes des élus n’étaient absolument pas prises en charge. Silence du gouvernement sur le sujet, les élus locaux ont fini par abandonner le projet sous la pression et la violence de l’extrême droite. Encore une fois l’extrême-droite gagne face à la vilénie du gouvernement.
Nous alertons, il ne se passe rien. Le maire de Saint-Brévin a appelé à l’aide, il n’a reçu qu’un silence méprisant. Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, si prompt à tweeter sur les soi-disant « écoterroristes », ne s’est pas déplacé et n’a même pas appelé le maire après l’incendie de son domicile.
Il a fallu que le maire annonce sa démission pour entendre les Bornes et autres pantins crier à l’indignation. Trop tard.(...)
Marx disait « L’Histoire se répète toujours deux fois, la première comme une tragédie, la seconde comme une farce ». Je le dis sans détours, réagissons avant qu’il ne soit trop tard ! Car la tragédie est de nouveau à nos portes. (...)
Dans le même temps, le pétainiste Yvan Benedetti organisait un colloque du Parti nationaliste français, invitant des néonazis de toute l’Europe. Ajouté à cela, les militaires factieux de « Place d’armes » appelant à une marche contre le « déclassement de la France » en présence de Renaud Camus, théoricien du grand remplacement et multi condamné pour antisémitisme, et vous avez un tableau terrible de ce week-end parisien. La préfecture a interdit l’ensemble des manifestations,mais le tribunal administratif a suspendu l’interdiction d’une manifestation et d’un colloque de l’Action française. Cela pose une fois de plus la question de la lutte contre l’extrême-droite, et évidemment, celle-ci ne peut reposer uniquement sur des dissolutions ou des interdictions de manifester.
« Le bruit des bottes raisonne en Europe »
Depuis maintenant plusieurs mois, nous assistons à une offensive réactionnaire et raciste particulièrementinquiétante en Europe avec l’arrivée de gouvernements d’extrême droite en Italie, Hongrie, Pologne où des majorités sont soutenues par l’extrême droite comme en Lettonie ou en Suède. En France l’extrême-droite parlementaire est aujourd’hui représentée par 88 députés, un score historique, avec pour corolaire le développement et la multiplication des groupuscules d’extrême droite, identitaires et néonazis. (...)
Les fascistes sont entrés en masse dans nos institutions. Ils s’en servent pour apprendre, pour cadrer et former leurs militants, pour se glisser dans le politiquement correcte, et se draper des habitsrépublicains. Mais pas une seconde leurs idées n’ont changé. L’institutionnalisation de l’idéologie de l’extrême-droite, accélérée par cette présence au sein de l’hémicycle, et par la complaisance de nombreux médias et groupes politiques de la majorité, nous invite à la plus grande vigilance. L’arrivée de représentants fascistes excite les milices violentes qui prennent de plus en plus d’aisance dans le passage à l’acte.
Nous vivons une drôle d’époque où les casserolades sont interdites et réprimées et où les néonazis peuvent parader en liberté dans nos rues. (...)
Albert Camus disait, « Faites attention, quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet, mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles ». Si la crise démocratique que nous traversons continue d’être ignorée par les ignorants qui nous gouvernent, la peste brune a ses chances de s’installer durablement. Et la farce dont nous alertait Marx commencera.
Les traquer, les démasquer, déjouer leur plan et enlever les masques qui cachent leur vraie nature, voilà notre travail. Chaque vote du RN doit être scruté, chaque argumentaire déconstruit. Il n’y a plus rien à attendre du gouvernement qui se nourrit de cette montée. Le barrage viendra du camp des résistants, comme l’histoire nous l’a toujours prouvé.
Lire aussi :
– (Sens Critique)
Matin brun
Un texte de onze pages d’une efficacité sacrément redoutable, qu’on peut aussi trouver sur la toile, ou écouter, par exemple interprété par Jacques Bonaffé et Denis Podalydès :
https://www.youtube.com/watch?v=oQW35PYvp5c.
Pour le narrateur, ça commence par des choses bizarres qu’on nous impose, plutôt anecdotiques, et qu’on accepte, parce que c’est la loi. A chaque fois, ça dérange un peu, mais au fond, ça n’est pas si grave, on accepte pour rester dans la norme, parce qu’on a peur des ennuis et qu’il est plus simple de suivre le mouvement général, car les autres ne disent rien. Au final, après de nombreuses petites résignations, on s’aperçoit qu’on est dans un Etat totalitaire, et qu’on ne peut plus rien faire. Matin brun, c’est un peu une reformulation de la parabole de la grenouille, vous savez, cette grenouille qui se trouve assez bien dans une casserole d’eau froide, qui se rend compte que l’eau se réchauffe, y trouve goût, avant de la trouver un peu trop chaude, mais elle attend encore, elle n’est pas si mal, elle s’affaiblit alors et quand elle décide de sortir, elle ne le peut plus, trop affaiblie, et elle finit alors complètement cuite.
Le contexte de cette fin des années 1990 est important pour comprendre la démarche à l’origine de cette nouvelle de Pavloff, « coup de colère contre la montée des extrémismes » comme il l’expliqua par la suite. En effet, depuis 1995, des maires FN dirigent un certain nombre de villes du sud de la France, et du ménage a été fait dans les bibliothèques, notamment à Orange, Vitrolles et Marignane. En 1998, une partie de la droite répond positivement à la politique de la main tendue du FN (...)