
Rozenn Le Berre est une jeune travailleuse sociale. Pendant dix-huit mois, elle a reçu dans son bureau d’un centre d’accueil parisien des jeunes exilés isolés arrivés en France et recueilli leurs témoignages. A travers ce livre, elle raconte cette expérience avec une justesse saisissante, une sobriété remarquable.
"Tous ont laissé un peu d’eux-mêmes sur mon bureau. Moi aussi, j’y ai laissé un peu de moi-même".
Sans violence, sans intention politique mais avec une sincérité et une sensibilité très personnelles, elle raconte d’un côté l’enfer, les parcours de vie chaotiques, l’horreur et le désespoir d’existences meurtries à jamais et de l’autre, elle se confronte à elle-même, à ses propres interrogations et doutes, exprime sa culpabilité, sa douleur et sa tristesse, son malaise aussi parfois, sa lassitude ou le détachement nécessaire qui la préserve, la fait tenir (un moment).
De ses difficultés quotidiennes à concilier sans heurt son métier et sa vie propre, de son désenchantement face à une administration qui a perdu son humanité, de ses moments d’espoirs, de ses joies aussi, elle n’omet rien ou presque, précise et lucide.
Le récit pénètre alors le lecteur sans distance, intelligent et bouleversant à la fois. Aussi explicite qu’instructif, jamais réducteur ni misérabiliste, il éclaire sur les conditions d’accueil des migrants, le fonctionnement parfois absurde d’un système défaillant et exalte, plus que tout, la force vitale de ces jeunes aux destins brisés avant même de devenir adultes. (...)