
« Eloge des frontières » est le titre du dernier livre de Régis Debray (éd. Gallimard, 7,90 euros). Mais notre intellectuel n’est pas le seul, en ces temps de Grande Crise mondialisée, à réhabiliter le mérite des bonnes vieilles limites entre collectivités humaines.
Le principe d’universalisme sans frontières part d’une intention a priori incontestable : celle d’une harmonisation suprême des rapports humains et d’une gouvernance mondiale enfin pacifiée.
Mais il faut être bien naïf pour ne pas voir, derrière ces prétextes mielleux, des préoccupations autrement plus discutables : celles d’assurer à un clan une domination sans partage et sans frein sur tous les autres.
Surprenant ? Lorsque par le passé, il se trouva que quelques frontières furent abolies, ce ne fut JAMAIS par des éléments libérateurs ou émancipateurs, mais TOUJOURS par des forces brutales d’occupation qui les piétinaient : romaines, napoléoniennes, nazies…
La mondialisation actuelle répond aux mêmes désolantes pulsions.(...)
Il y a deux façons d’envisager les portes :
* celles qu’on ferme, avec serrure à trois points de verrouillage et système d’alarme paranoïaque dans un mauvais réflexe de recroquevillement sur soi-même
* celles qu’on tient ouvertes aux visiteurs, moyennant certaines conditions partagées de bon voisinage : « Je vous en prie, essuyez-vous juste un peu les pieds sur le paillasson et entrez, nous allons trinquer ensemble. »