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Debriefing essentialiste De retour après la première université d’été du revenu de base à Périgueux.
par Agnès Maillard • 27 août 2014
Article mis en ligne le 3 septembre 2014
dernière modification le 2 septembre 2014

La première chose que j’en rapporte, c’est cette vidéo de notre intervention, avec Carole Fabre, lors de la première plénière de la première université d’été. Des défricheuses. Des pionnières. Les hasards de la programmation, bien sûr. Mais aussi une constante de notre histoire sociale : les femmes sont souvent aux avant-postes des révolutions, des revendications. Et puis, elles se font piquer le crachoir par les hommes et se retrouvent, comme toujours, dans l’angle mort de la construction historique et sociale.

C’est une constante. Notre intervention a été jugée de bonne qualité, mais dès qu’il s’est agi de parler des choses sérieuses, de débattre de la convergence des idées, ce n’est pas même pas que les femmes ont été renvoyées aux coulisses, non, nous sommes juste redevenues un impensé… as usual.

Parce que, quand même, il y a des tas d’autres combats plus urgents que celui de l’émancipation des femmes, non ? Et c’est finalement votre victimisation permanente qui fait que vous êtes opprimées, non ?

(...) Grand classique des discussions de couloirs, une fois qu’il a été acté que nous étions les féministes de service, le "quota nichons" de cette docte assemblée. Un peu comme un festival de musique, où les meilleures partitions s’exécutent en off. Confusion réductrice qui consiste à inverser les causes et les effets et à rendre les dominés responsables de leur sort, effaçant de facto l’image même et les intérêts concrets des dominants. (...)

Bien sûr, toutes les interactions informelles que j’ai pu nouer en marge de mon intervention première à l’université d’été ne consistaient pas toutes à réfuter le négationnisme masculiniste, puisqu’il faut bien donner un nom à cette façon un peu aisée de non seulement balayer d’un revers de la main la question de la place des femmes dans notre société, mais souvent même de les accuser d’œuvrer volontairement et consciemment à leur propre domination, dans une sorte de dictature du faible. Il y a eu la remarquable conférence gesticulée d’Alexis Lecointe qui pointe régulièrement la réalité rapeuse de la domination des femmes que ce soit dans les têtes ou dans les faits, tout en étant terriblement didactique pour comprendre ce qu’est le revenu de base sans oublier d’être vraiment très drôle. Mais comme me le faisait remarquer Simon Le Roulley, je me suis retrouvée régulièrement essentialisée comme femme, féministe de service, enfermée dans la négation de tous les autres axes réflexifs que je pouvais porter.

J’aurais aimé creuser plus avant la question du travail, de l’exploitation laborieuse et de sa disparition programmée par l’automatisation, ce qui pose immédiatement la question de la survie des surnuméraires, ceux dont la société productiviste n’a plus besoin. Mais en fait, il n’y a qu’une seule question d’émancipation, comme le démontre Denis Colombi dans la suite de son brillant article. (...)

C’est un peu comme si, il y a 200 ans, on avait répondu aux esclaves que leur émancipation n’était pas une priorité, que l’on allait d’abord s’attacher à déboulonner le capitalisme qui se nourrissait de leur sueur et que de son effondrement émergerait spontanément leur libération.
Je pense qu’ils attendraient encore et qu’ils en seraient à négocier le poids de leurs chaines avec leurs syndicats.