Les vertus de la décentralisation s’évanouissent si elle ne sert que la gouvernance libérale sans assurer la participation des populations. Entre la marchandise et la technocratie, une autre voie doit être pensée.
C’est un faux débat par excellence. La ville est devenue le territoire par excellence de l’organisation sociale, et la métropolisation est le pivot de son expansion. Dès lors, revient sur le devant de la scène ce sempiternel débat sur l’obsolescence de l’État national. Si l’État désigne la puissance publique, il ne relève pas d’un seul territoire. La commune ne fait pas moins partie de la sphère étatique que le département, la région, la nation ou les institutions continentales. La question traditionnelle est de savoir comment fonctionne le grand « tout » de l’État : de façon centralisée ou décentralisée. Dans les dernières décennies, la réponse s’est portée vers la seconde hypothèse, ce que l’on peut tenir pour un progrès. (...)
La seconde cause de régression se trouve dans la conception dominante de ce que l’on appelle désormais la « gouvernance » et qui se substitue au « gouvernement ». Théoriquement, il s’agit de rompre avec la fixité administrative et d’introduire une plus grande souplesse dans la détermination des choix publics. En pratique (...) La norme technique prend le relais de la loi et enserre la décision dans des mécanismes technocratiques pas moins contraignants que ceux de la logique administrative classique.
Moins d’État, moins de marché
Au total, la logique de l’intérêt général « par en haut » est remplacée de plus en plus par la double dominante de la concurrence et de la compétence. La décentralisation fonctionne de fait comme une simple déconcentration, qui pousse à intérioriser vers le bas les « contraintes » de la bonne gestion publique. Au lieu d’élargir le débat démocratique, en le faisant porter sur l’allocation des ressources en même temps que sur la définition des besoins, elle pousse à intérioriser les inégalités croissantes entre les territoires. Dans une pure logique de concurrence, les institutions décentralisées, communales ou supracommunales, sont incitées à rechercher la compétitivité et l’attractivité de leur territoire de compétence, fût-ce au détriment des territoires voisins. (...)
Pour tout dire, on devrait tenir que la décentralisation est infirme si elle ne s’accompagne pas d’un double recul de la marchandise et de la technocratie. (...)