La publication récente par Basta ! d’une base de donnée inédite comptabilisant les personnes décédées au contact de la police a partiellement atteint son objectif : stimuler le débat public sur la question. Les autorités diffusaient peu après leur propre recensement sur l’année écoulée, tandis que des citoyens se saisissaient de la question et nous faisaient remonter de nouveaux cas.
Voici donc une mise à jour de notre enquête, qui intègre en outre les personnes tuées depuis le mois de juin 2018. Nous comptons désormais 574 personnes tuées depuis 1977, à laquelle s’ajoute une retraitée décédée à Marseille le 1er décembre, suite au tir de grenades lacrymogènes. (...)
Parmi les personnes tuées par un tir policier, la majorité (60 %) n’étaient pas armées (...)
La loi de 2017 élargissant l’usage réglementaire d’ouverture de feu des fonctionnaires aura-t-elle comme conséquences d’augmenter le nombre de ces situations ? Cela fera partie des éléments que nous suivront.
Parmi les interventions qui se sont révélées mortelles, les opérations anti-terroristes demeurent très marginales (3 % des interventions mortelles, soit 19 suspects tués). A l’inverse, un simple contrôle d’identité est à l’origine de 22 % des morts recensés. Si les opérations de maintien de l’ordre face à des manifestations de rue – avec l’emploi d’armes non létales comme les flashball ou les grenades – provoquent de plus en plus souvent des blessures graves parmi les manifestants (hématomes, perte d’un œil, membres totalement ou partiellement arrachés), le nombre de personnes tuées dans ce cadre demeure faible (...)
« Il n’était pas possible jusqu’à présent de fournir des données fiables et exhaustives »
L’objectif de cette base de données est de remédier à un manque d’informations – officielles ou non – sur le sujet. En tant que journalistes, nous souhaitons ainsi alimenter le débat public sur la manière dont les forces de l’ordre usent du recours à la force et à l’ouverture du feu, une prérogative exceptionnelle concédée à l’État par les citoyens. (...)
D’ici fin 2018 et en 2019, nous continuerons d’actualiser notre base de données, d’y joindre de nouvelles analyses statistiques, en particulier sur les suites judiciaires de certaines affaires. Cela, toujours, dans le but d’alimenter le débat public sur les missions assignées aux forces de police – assurer la sécurité des personnes, des biens et des institutions –, sur l’utilisation réelle de ces moyens, ainsi que sur la manière dont les opérations sont conduites. Ces interventions policières mortelles constituent la partie la plus visible de l’action des forces de l’ordre. Leur augmentation marque probablement un durcissement des autres actions de coercition, comme on le constate en particulier avec l’augmentation des blessures graves infligées lors de manifestations.