depuis les années 80, un front commun de pays endettés ne s’est pas concrétisé. Une front commun de différents pays serait excellent pour un changement, mais les luttes politiques et sociales continuent de se développer dans un cadre national. D’où la difficulté d’obtenir un front de pays endettés et ce, malgré les tentatives qui ont été faites suite à la crise de la dette des années 1980 (la campagne internationale lancée par Cuba en 1985, l’appel du président Thomas Sankara en Afrique en 1987, etc.). En prenant en compte ce qu’à fait l’Équateur en 2007-2008, je crois qu’il y a une possibilité d’acte souverain unilatéral basé sur l’argument du droit interne et international.
(...) L’Argentine s’est retrouvée dans une situation de défaut technique avec les détenteurs de bons en décembre 2001, qui s’est maintenue jusque mars 2005, et avec le Club de Paris jusque 2014. Début 2002, l’Argentine a manqué l’occasion de réaliser un audit de sa dette pour identifier la part illégitime ou illégale de celle-ci. Parce qu’en effet, il peut y avoir des dettes illégales, qui sont nulles du point de vue du droit commercial, et des dettes illégitimes, qui ne sont pas nulles du point de vue du droit commercial mais qui le sont selon d’autres critères.
Qu’est-ce que la réalisation d’un audit aurait pu changer ?
Cela aurait permis à l’Argentine d’établir une distinction entre un montant considéré comme illégal ou illégitime et de le répudier, et de restructurer l’autre partie de la dette directement avec les créanciers. Le second point concerne le fait que l’Argentine a opéré un échange de dette. En Équateur, après l’audit de 2007-2008, la suspension de paiement n’a pas débouché sur un échange de dette sinon sur un rachat de dette. Il n’y a pas eu de restructuration de la dette.
En quoi se différencient ces deux décisions ?
Le gouvernement équatorien a racheté les bons de sa dette sans entrer en négociation avec ses détenteurs. Il ne s’est pas assis à une table en disant : "Messieurs, faisons un échange de dette et signons un nouveau contrat". L’Argentine, elle, a fait un nouveau contrat et a de nouveau accepté la compétence des États-Unis en cas de litige. Elle a autorisé des conditions très favorables aux détenteurs de bons, comme l’indexation du paiement des intérêts sur le taux de croissance économique. (...)
L’Équateur, qui avait les liquidités, a suspendu le paiement de façon unilatérale. Il a réalisé un audit et a racheté 91 % des bons. En 2009, il a été dit que l’Équateur n’aurait pas la possibilité d’aller vers les marchés financiers. Cette année, en 2014, l’Équateur a émis des titres de dette publique au Luxembourg et à Wall Street à un taux d’intérêt de 7 %. L’Argentine, par contre, n’a toujours pas un accès facile aux marchés financiers. En matière d’émission de dette, c’est fondamental d’appliquer la doctrine Calvo |2| et de respecter la Constitution argentine qui stipulent qu’on ne peut renoncer à la souveraineté. (...)
La France semble être plus solidaire maintenant, mais elle se comporte vis-à-vis de la Grèce exactement de la même façon que les États-Unis envers l’Argentine. En cas de litige, la juridiction française aura tendance à favoriser les créanciers.
(...)
Le FMI est activement responsable de ce qui est en train de se passer. Premièrement, il est coresponsable actif du volume insupportable de la dette argentine et de la dérégulation des contrats qui permettent aux fonds vautour d’agir tel qu’ils le font. Ensuite, le FMI critique les fonds vautours mais, ces dernières années, il a fait tout le nécessaire pour leur ouvrir la porte en disant "il faut dénoncer la souveraineté", et en donnant la primauté aux créanciers. Il n’y a aucune crédibilité dans le discours officiel du FMI.