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Jean-Marie Harribey, pour Alternatives Economiques
Démondialisation ou altermondialisme ?
Article mis en ligne le 10 juin 2011
dernière modification le 7 juin 2011

Comme il est avéré que l’origine fondamentale de cette crise est la financiarisation de l’économie mondiale dont la face visible avait nom « mondialisation », l’idée de « démondialisation » fait son chemin. À gauche, autour d’intellectuels comme Emmanuel Todd et Jacques Sapir, mais aussi à droite. Et c’est le Front national de Marine Le Pen qui entreprend de braconner sur le terrain du social, en profitant des désastres dont sont frappés un à un les pays européens, et de proposer de démondialiser l’économie.

Cette notion de démondialisation pose un vrai problème à l’altermondialisme. Il est certes économique, mais il est avant tout d’ordre politique. Pour le dire carrément et s’en tenir ensuite à un débat interne au camp qui se reconnaît dans la démocratie, il faut se défaire de cette idée aussi vieille que l’émergence du Front national il y a trois décennies, selon laquelle le FN poserait les bonnes questions mais n’apporterait pas les bonnes réponses. Or ce parti ne donne pas les bonnes réponses parce qu’il ne pose pas les bonnes questions.

Le chômage incompressible depuis trente-cinq ans, la précarité imposée dans tous les secteurs économiques, la destruction progressive du droit du travail, de la protection sociale et des services publics au sein des pays développés, ne sont pas d’abord imputables aux pays émergents mais aux politiques systématiques amorcées à la fin des années 1970 et au début des années 1980, lorsque les classes bourgesoises ont entrepris de rétablir la rentabilité des capitaux.(...)

On ne viendra pas à bout du détournement des revenus vers les actionnaires en instaurant des droits de douane vis-à-vis de la Chine ou d’autres, mais par une redistribution des richesses dans nos pays et entre tous les peuples.(...)

chez les partisans cités plus haut de la démondialisation, est occulté le processus de marchandisation à outrance de tous les pores de la société, de l’éducation aux connaissances, de la santé à l’énergie, de la terre au génome des espèces vivantes, etc. Le retour à des frontières nationales hermétiques n’enrayera pas la crise de civilisation dans laquelle nous plonge un capitalisme qui va au bout de sa folie.(...)

Certains économistes classés à gauche rejoignant d’autres dans la droite souverainiste ou extrême proposent de sortir de l’euro et de dévaluer la monnaie nationale retrouvée, et le FN rebondit dessus en adoptant leur scénario et même le tempo proposé par Jacques Sapir. Or ces propositions risquent d’accentuer les difficultés au lieu de les résoudre :

 parce que les pays verraient leur dette souveraine s’accroître proportionnellement à la dévaluation puisqu’elle resterait libellée en euros ;

 parce qu’une monnaie nationale ne protège ni du néolibéralisme ni de la spéculation (...)

 parce qu’à l’heure d’une crise aussi grave, il faut éviter à tout prix le déferlement de politiques unilatérales qui tourneraient le dos définitivement à une coopération entre les peuples (...)

 parce que l’ennemi n’est pas l’étranger mais la politique de classe menée par une bourgeoisie financière arrogante et prédatrice, aidée par des gouvernements en symbiose et légitimée par une presse et une majorité d’économistes aux ordres.(...)

Tout milite donc en faveur de la mise au pas des banques et de la banque centrale, par le frein mis à la circulation des capitaux – sans laquelle les marchandises circuleraient bien moins –, en faveur du rétablissement du contrôle public et citoyen sur la création de la monnaie, en faveur d’une révolution de la fiscalité pour lui donner un tour résolument progressif. À ce moment-là, il sera possible de mettre en marche la réduction des inégalités et, à l’échelle européenne, d’instaurer de véritables transferts budgétaires vers les pays dont le développement est moindre
(...)

S’il est urgent de « révolutionner » la maison Europe, il faut commencer par le commencement : s’attaquer au pouvoir du capital à travers sa possibilité de circuler, refonder la fiscalité, rendre l’emploi et les salaires décents, démarchandiser la société en décrétant inaliénables les services publics, la protection sociale et tous les biens communs.(...)

Il est enfin une troisième raison de rejeter la démondialisation du FN et de ses alliés involontaires de gauche. Habilement, cette idée surfe sur le besoin de relocaliser les économies, qui apparaît indispensable au vu de la désindustrialisation relative des pays développés et au vu des gigantesques gaspillages sociaux, énergétiques et écologiques qu’entraîne une division internationale du travail poussée au maximum. Mais, curieusement, ou plutôt très logiquement, la démondialisation qu’on nous propose ne dit rien sur la remise en cause du modèle productiviste qui est intrinsèquement lié à la mondialisation du capitalisme(...)

penser que la crise écologique planétaire pourrait être résolue par une somme de replis nationaux est carrément irresponsable. (...)

Le monde a au contraire besoin de l’émergence d’un nouvel universalisme mettant enfin tous les humains à égalité. C’est le sens profond de l’altermondialisme.
(...)

Les politiques d’austérité, aggravant la crise éclatée il y a quatre ans, mettent les sociétés au bord de l’explosion : Grèce, Portugal, Espagne, et demain ? C’est toujours dans ces moments d’extrême tension que les politiques autoritaires et anti-démocratiques, voire fascisantes, se fraient un chemin sous les déguisements les plus divers.

(...) Wikio