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Derrière le « miracle économique portugais », l’accroissement des inégalités sociales
Article mis en ligne le 11 octobre 2019
dernière modification le 9 octobre 2019

Si le Parti socialiste a remporté les élections législatives, et que la gauche radicale constitue la troisième force politique, la situation est loin d’être rose au Portugal. Le premier défi pour ces « progressistes » consistera à faire profiter l’ensemble de la population du semblant de prospérité retrouvée.

Sans surprise, le Parti socialiste a largement remporté les élections législatives portugaises. Celles-ci ont cependant été marquées par une abstention record à plus de 45,5%. Si l’on prend en compte les votes blancs et nuls (plus de 4 %), c’est près d’un électeur sur deux qui ne s’est pas exprimé lors du scrutin du 6 octobre. Avec 36,7 % des suffrages et 106 députés, les socialistes sont tout proche de la majorité absolue (115 députés). Ils profitent surtout de l’effondrement de la droite et du centre droit, qui perdent près de 15 sièges.

A la gauche de la gauche, c’est surtout l’alliance Parti communiste-Verts qui s’affaisse : 12 sièges contre 17 lors de l’ancienne législature. De son côté, le Bloc des gauches, troisième force politique du pays (9,7%), résiste. Il espère toujours infléchir les politiques économiques vers plus de justice sociale, comme cela a été le cas lors de la précédente législature : si le PS a gouverné seul, il a dû passer un accord avec le Bloc de gauche et l’alliance entre communistes et verts pour que leurs élus votent le budget en échange d’une première série de mesures sociales. Car au-delà des chiffres du chômage (plutôt bas, sous la barre des 7%) ou de la croissance du PIB (plutôt haute, avec une prévision de 1,9 %), la santé de l’économie portugaise reste fragile et les secteurs les plus défavorisés de la population n’ont pas vu leur situation s’améliorer sensiblement. Bien au contraire. (...)

« Dans l’ensemble la législature qui vient de se terminer a été très intéressante, indique la députée de 29 ans. En échange de notre soutien au budget, nous avons pu rompre avec les politiques d’austérité de la Troïka [Commission européenne, FMI et Banque centrale européenne, ndlr], nous avons pu augmenter les salaires et les pensions des retraités, nous avons pu changer des lois sociales... Mais d’un autre côté il y a des domaines où nous savions que le PS n’allait pas changer de politique, notamment sur les lois du travail. Au contraire, il s’est allié avec les partis de droite pour faire passer des lois encore plus dures. » (...)

« Le boom touristique a eu des conséquences dramatiques »

C’est sur ces points précisément qu’il s’agira d’avancer pour tenter de faire reculer la misère sociale, dans un pays où les moteurs de l’économie sont le tourisme et l’apport de capitaux étrangers, dans l’immobilier notamment. Car le « miracle économique » de Costa n’a pu se réaliser qu’à travers une inégalité croissante. Si certains secteurs ont progressé, Isabel Pires reconnaît que l’évolution de l’économie « a eu des répercussions très mauvaises sur certaines catégories de personnes ». « Le boom touristique a eu des conséquences dramatiques. Plus personne ne peut habiter les centres de villes comme Lisbonne ou Porto, car les prix y ont explosé. »

L’Observatoire de la lutte contre la pauvreté à Lisbonne relève ainsi qu’en trois ans, le prix du mètre carré dans la capitale portugaise pour un appartement familial a augmenté en moyenne de 66 %. (...)

Autre point de tensions entre le PS et ses alliés de gauche, le marché du travail. Le Bloc de gauche comme le parti communiste et les Verts demandent que le salaire minimum soit porté à 800 euros par mois durant la prochaine législature. Par ailleurs, si le chômage est tombé à 6 %, c’est notamment grâce à une explosion du recours aux emplois précaires et très mal payés dans le secteur du tourisme – près de 30 % des nouveaux emplois créés – et à la dérégulation quasi complète du marché du travail imposée par la « Troïka » en 2011. Facilité de licenciement, indemnités de départ revu à la baisse, possibilité de recourir de manière quasi infini aux contrats courts et précaires, le patronat portugais a pu s’en donner à cœur joie... (...)

Une baisse du chômage d’abord liée aux emplois précaires et à l’émigration des jeunes (...)

Le fameux « miracle » économique portugais reste donc bien fragile et tire surtout bénéfice d’une réduction drastique de l’investissement public dans les secteurs de l’éducation, de la santé et des transports, sans pour autant faire diminuer la dette publique de manière importante – le Portugal reste le pays le plus endetté d’Europe. (...)

Avec un Parti socialiste à quelques sièges seulement de la majorité absolue, le rapport de force ne permettra très probablement pas d’envisager un virage social. Les perspectives économiques et le ralentissement annoncé ne sont pas de nature à faire dévier Antonio Costa de sa gestion rigoureuse qui plait tant à Bruxelles.