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« Des enfants ne veulent pas jouer avec les Roms ni leur donner la main » : l’école face au racisme
Article mis en ligne le 7 décembre 2013
dernière modification le 4 décembre 2013

C’est un combat quotidien que mène Véronique Decker, directrice d’une école primaire en Seine-Saint-Denis, auprès de la trentaine d’élèves roms, roumains et bulgares. Un combat pour la scolarisation de ces enfants vivant souvent dans la misère des bidonvilles. Et contre la xénophobie qui peut se répandre dans la cours de récréation. « Quand un enfant dit à ses parents qu’il veut aller à l’école et ne plus mendier, il est très fréquent qu’il soit écouté », explique-t-elle au journal L’âge de faire, qui l’a interviewée. Comment l’école, malgré les critiques, joue encore un rôle contre la pauvreté et le racisme.

Très engagée pour la scolarisation des enfants roms, Véronique Decker pratique dans son école la pédagogie Freinet, basée sur la coopération entre les enfants, l’apprentissage par tâtonnement expérimental, et la libre expression des élèves.
Deux petits films, intitulés « Scolarisation des enfants rom – Mode d’emploi », ont été tournés dans son établissement à l’initiative de la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal).

L’âge de faire : La pédagogie Freinet, que vous pratiquez dans votre école, est-elle un atout pour faire un bon accueil aux enfants roms ?

Véronique Decker : Nous essayons de faire de nos élèves des enfants créatifs. Les enfants roms, qui sont associés très jeunes aux activités de leurs parents, sont très matures dans des domaines comme le bricolage et l’organisation. Par exemple, dans l’une des vidéos tournées à l’école, on voit que Steven et David ont fabriqué une vraie petite maison, avec un garage où l’on voit tous les outils : la clé à molettes, le tournevis... C’était la plus réussie chez les CM2 ! Cela leur permet, malgré leur faiblesse en lecture et en maths, d’avoir à certains moments une place d’enfants leaders, et d’être admirés par les autres. (...)

la pédagogie coopérative nous aide à remettre les pendules à l’heure, car des enfants ne veulent pas jouer avec les Roms ni leur donner la main. Les réunions hebdomadaires sont un lieu pour que la parole raciste soit dite. Nous la combattons non par la morale, mais par l’argumentation. Et nous leur permettons d’exprimer de l’empathie, en faisant en sorte qu’ils se mettent à la place de l’autre. Cela les aide à ressentir les choses : « Est-ce que ça te gênerait, toi, si on t’appelait tout le temps "Arabe", ou "Chinois" ? Est-ce que ça t’humilierait ? » Ils partent de ce qu’ils connaissent pour discuter. Parmi nos élèves, un certain nombre ont reçu une éducation religieuse et s’appuient dessus pour dire que les hommes sont tous égaux. (...)

Si un enfant revient de l’école en disant qu’il a été maltraité, moqué, et qu’il n’a rien appris, ses parents ne seront pas incités à le remettre en classe. En revanche, quand un enfant dit qu’il veut aller à l’école et ne plus mendier, il est très fréquent qu’il soit écouté. Ça marche s’il peut montrer à ses parents un cahier bien tenu, avec une belle ligne d’écriture : bien que ne sachant pas lire dans la plupart des cas, ils seront très fiers. J’en ai vu qui emmenaient les cahiers de leurs enfants en Roumanie pour les montrer !

Bien-sûr, ça marche à condition que la famille ne soit pas complètement désorganisée. (...)

Les parents peuvent être très anxieux d’être expulsés pendant que leurs enfants sont à l’école, et séparés d’eux. Pour eux, c’est le cauchemar total. (...)