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Des millions d’emplois interdits
Article mis en ligne le 25 octobre 2013

Cartographie d’une discrimination légale

Paru en 1999 dans Plein droit, la revue du Gisti [1], le texte qui suit reste malheureusement d’actualité puisque l’interdiction aux étrangers « non-européens » de 30% des emplois disponibles sur la marché du travail perdure toujours en 2010, à de rarissimes exceptions près (la plus notable étant celle de la RATP qui a ouvert ses 45000 emplois à tou-te-s en 2002) et dans une indifférence quasi-générale – comme l’a souligné, en 2010, la lamentable « volte-face inopinée » de l’UMP sur la question. (...)

Si « l’intégration » a longtemps focalisé l’attention des pouvoirs publics, des voix s’élèvent depuis peu pour davantage souligner le rôle des formes de ségrégation et de discrimination, notamment sur le marché du travail [3]. Ces préoccupations portent sur des discriminations illégales dont sont victimes des individus du fait de leur apparence physique ou de leur nom, et face auxquelles il est difficile de faire appliquer le droit. Ceci ne doit toutefois pas masquer les effets des discriminations légales beaucoup plus rarement abordées dans le débat public mais qui n’en demeurent pas moins massives. Fondées sur le critère juridique de la nationalité, elles consistent à réserver l’accès de certaines professions aux Français (ou aux Européens).

Sans reprendre toute la genèse sociale et historique des discriminations à l’égard des étrangers rappelons que la décision de leur interdire certaines professions a souvent été prise lors de crises économiques : adoptées dans l’urgence et de manière provisoire, ces mesures se sont pour la plupart maintenues au fil du temps. Elles ont également pu être motivées par un certain clientélisme politique visant à protéger les nationaux d’une main-d’œuvre concurrente.

C’est la raison pour laquelle ce sont plutôt dans les secteurs privilégiés du marché du travail, c’est-à-dire les professions où les statuts sont le plus stables et les rémunérations les plus élevées, que ces interdictions pèsent le plus. (...)

lire aussi :Les étrangers et les étrangères exclus des concours de l’enseignement privé

Jusqu’à présent, seules des conditions de diplôme – les mêmes que pour les concours de l’enseignement public - étaient exigées pour se présenter à ces concours. Avec le décret du 23 août 2013, les étrangers et les étrangères ne pourront plus prétendre au statut et à la stabilité offerts par la réussite aux concours : ils ne pourront plus enseigner que comme « maîtres délégués », c’est-à-dire dans la précarité et avec un salaire au rabais.

Cette réforme aura un impact très lourd et immédiat sur des personnes qui ont obtenu leurs diplômes en France ou sont encore en cours d’études et qui se trouvent subitement privées de cette voie d’accès à l’enseignement.

Elle représente par ailleurs une véritable régression : alors qu’on aurait attendu de ce gouvernement qu’il s’attache à restreindre la liste des emplois dits « fermés » aux personnes de nationalité étrangère, il a fait le choix, subrepticement et sous des prétextes fallacieux, d’inscrire dans les textes une nouvelle discrimination, allant ainsi à rebours de l’évolution observée depuis plus de deux décennies. (...)