
La désindustrialisation de la France occupe largement le discours médiatique, si bien que l’on oublie parfois qu’une grande partie de la population est composée d’ouvriers – 12,4% selon l’INSEE. A cette proportion déjà importante, il faut ajouter les individus occupant des postes d’ouvriers dans le secteur tertiaire.
Ces nouveaux « invisibles » sont l’objet de la thèse de Martin Thibault, aujourd’hui remaniée et publiée sous le titre d’Ouvriers malgré tout aux éditions Raisons d’Agir. En étudiant les ouvriers de la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) en charge de la maintenance des trains, l’auteur s’inscrit dans la continuité des travaux sociologiques de son directeur de thèse, Olivier Schwartz , ou encore ceux de Stéphane Beaud et Michel Pialoux , voire de Nicolas Renahy .
C’est justement Olivier Schwartz qui signe la préface de l’ouvrage, mettant d’emblée en avant « l’usage réfléchi et délibéré de la durée » dans cette recherche conduite sur plus de huit ans. Au centre de celle-ci se trouve la question de la condition ouvrière telle qu’elle est perçue par ces jeunes ouvriers de la RATP qui à l’origine nourrissaient des espérances de « désouvriérisation » battues en brèche lors de la découverte de leurs conditions de travail.
Pour Schwartz, ce livre peut être lu « comme une sociologie des manières dont de jeunes ouvriers qualifiés cohabitent avec une condition qui n’est pas celle à laquelle ils avaient aspiré. » . Les enquêtés de Martin Thibault partagent en effet tous une même aspiration : dépasser ou du moins mettre à distance une condition ouvrière non désirée, celle de leurs parents, qu’ils ont peur de reproduire et que leur éducation prolongée les a conduit à dévaloriser au profit d’une intégration au sein de la classe moyenne. Ouvriers malgrés eux, ils ne sont pas tant des transfuges sociaux que des « ouvriers de l’entre-deux ».(...)