
Du Mexique au Mozambique et ailleurs, les preuves abondent aujourd’hui du recours par les gouvernements de toute la planète aux technologies de surveillance de masse, comme FinFisher, pour espionner leurs concitoyens. Cela a amené les chercheurs et défenseurs des droits, comme nous, à étudier la source : qui fabrique ces technologies ? Et qui tire profit de leur vente ?
L’Allemagne est un important exportateur de ces technologies, et en même temps que la confidentialité des communications électroniques est devenue un sujet brûlant pour l’opinion allemande, le pays est un acteur de plus en plus central dans ce domaine.
En croisant les informations d’une fuite massive de données mi-août avec les résultats d’une récente enquête parlementaire en Allemagne, nous avons été amenés à soupçonner que la majeure partie des technologies de surveillance produites par des entreprises allemandes a été achetée et vendue au noir –autrement dit, sans autorisation. L’administration allemande exige des autorisations pour la vente de technologies considérées à « usage dual » – des produits qui peuvent servir au bien et au mal (...)
Au cœur de l’enquête se trouve la société anglo-allemande Gamma International, qui fabrique la désormais tristement célèbre boîte à outils de surveillance FinFisher.
Les cibles de la surveillance ne se doutent de rien et téléchargent FinFisher sans s’en apercevoir, juste en cliquant sur un lien ou un fichier joint apparemment anodins. Une fois installé, l’outil donne à son utilisateur l’accès à toutes les informations en mémoire et contrôle même les communications cryptées [PDF]. Les frappes au clavier peuvent être consignées, les conversations sur Skype enregistrées et les caméras et microphones activés à distance.
Une commission parlementaire allemande a récemment mené une enquête sur les ventes de technologies de surveillance aux gouvernements étrangers. Interrogé, le gouvernement allemand a indiqué avoir, dans les dix dernières années, donné à des sociétés allemandes des licences d’exportation de technologies de surveillance à au moins 25 pays, parmi lesquels beaucoup ont une longue histoire de violation des droits humains. (...)
L’écart significatif entre les éléments autorisés et non autorisés de l’industrie des technologies de surveillance montre la nécessité et l’urgence d’une réglementation internationale transparente.
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Ces dernières révélations, et le désir de certains partis d’en faire une question politique centrale, nous encouragent et nous donnent l’espoir d’autres réformes pour empêcher l’exportation de technologies encore plus dangereuses à des régimes répressifs. Des découvertes comme celles-ci nous montrent la nécessité d’une plus grande réglementation de ce secteur. (...)
Les données laissent aussi entendre que le marché mondial des technologies de surveillance est très dépendant des gros contrats avec un petit nombre de pays. Les réponses à l’enquête parlementaire ont montré que les plus gros marchés individuels de 2006 et 2007 ont été conclus avec l’Arabie saoudite et la Turquie. (...)
La documentation laisse penser que le gouvernement a commencé à reconnaître la nécessité de réglementer d’autres technologies de surveillance qui lèsent les droits humains. Elle mentionne explicitement les « centrales de contrôle », qui peuvent héberger les données des courriels, SMS, conversations téléphoniques par Internet et VOIP en un unique data center, comme des technologies dont on peut faire mauvais usage et donc justifiant d’une réglementation supplémentaire. (...)
Ici comme dans d’autres cas, le combat est essentiellement politique plutôt que concret. Nous saluons le fait que deux partis politiques se disputent désormais la meilleure efficacité dans la réglementation des technologies de surveillance. Sur le plan pratique, ils ont tous deux pris des engagements forts, et la partie SDP de la coalition gouvernementale n’a pas encore pu les traduire complètement dans la réalité. Ce qui est à noter, c’est l’aspiration persévérante du gouvernement allemand à devenir une voix prédominante dans les débats internationaux sur la régulation des technologies de surveillance. L’avenir dira s’ils arriveront réellement à tenir cette promesse, mais les signes restent prometteurs.