
Désinfox est une plateforme lancée à la mi-avril par le gouvernement afin de combattre les fake news. Comme le rapporte le journal le monde, on pouvait alors y lire « Depuis le début de l’épidémie, le caractère inédit de la situation favorise la prolifération de fausses informations ». Depuis la plateforme a été vivement critiquée par les médias puis supprimée le 5 mai par le gouvernement. Pourquoi cette plateforme pose-t-elle problème ?
Mais au fait, c’est quoi une information ?
Pour définir un mot, il est toujours utile de rappeler ce qu’il n’est pas. Par exemple, dire d’une information qu’elle est fausse est un abus de langage. Tout comme il n’existe pas de fausse vérité, il n’existe pas non plus de fausse information : soit un énoncé informe, soit il n’informe pas. Lorsqu’un énoncé n’informe pas, soit il déforme – il s’agit alors d’un mensonge ou d’une erreur, soit-il ne dit rien – il s’agit alors d’une tautologie ou d’un non-sens. A l’inverse, un énoncé synthétique, c’est-à-dire informatif, doit être vérifié. On parle alors, et alors seulement, d’information. Cependant certains éléments d’information peuvent ne pas être significatif, c’est-à-dire qu’ils n’ajoutent rien à la compréhension du monde. Ils sont la trace d’un fait déjà connu ou qu’on ne réussit pas encore à identifier correctement. En science, on appelle ça le bruit.
Quel est le rôle des médias vis-à-vis de l’information ?
Le rôle d’un journaliste est comparable à celui d’un scientifique : il doit distinguer l’information du bruit. (...)
Ainsi l’essentiel du travail journalistique consiste à enquêter, recouper les sources, vérifier les informations qui circulent pour proposer de l’information de qualité.
Le problème de désinfox
L’idée sur le papier n’est pas mauvaise. Informer correctement sur le Corona Virus est une question de santé publique, qui est bien entendu l’une des prérogatives du gouvernement. Cependant relayer les informations est le rôle des journaux, et non celui de l’Etat. Non seulement il n’est pas compétent pour cela, mais il est indispensable que le pouvoir médiatique reste indépendant du pouvoir exécutif.
La séparation des pouvoirs est une vieille idée qu’on retrouvait déjà chez Montesquieu dans L’esprit des lois. Elle concernait à l’origine les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, étant entendu que le pouvoir médiatique devait être garanti par un droit universel à s’exprimer en toute liberté, droit qu’on retrouve dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 reprise par l’ONU en 1948 (UDHR) et partie intégrante de la constitution française. Depuis la question de la liberté d’expression fait beaucoup débat, notamment sur la question des discriminations, mais aussi à propos du Covid 19. La question étant : peut-on tout dire ? (...)
est-il vraiment pertinent de créer une plateforme gouvernementale de validation de l’information afin de garantir la santé publique ?
On peut en douter, surtout après la débâcle du gouvernement sur la question de la pénurie des masques qu’Emmanuel Macron s’obstine encore à nier aujourd’hui. Pour autant la question n’est pas là. Aucun gouvernement, quel qu’il soit, n’a le droit de statuer sur la fiabilité des informations qui circulent dans les médias. Il s’agirait d’une dérive dangereusement totalitaire puisqu’elle conduirait de facto à un contrôle de l’information par le pouvoir exécutif. La question n’est donc pas tellement de savoir si la page désinfox est utile pour limiter la contagion, mais de savoir si l’Etat est en droit de jouer l’arbitre dans les jeux médiatiques.
Lire aussi (5 mai 2020) :
Le gouvernement supprime sa page controversée « désinfox coronavirus »
Lundi, le Syndicat national des journalistes (SNJ) avait déposé un recours en urgence devant le Conseil d’Etat lui demandant d’enjoindre au premier ministre de supprimer cette page.