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Dessaler l’eau de mer : fausse solution, vraie catastrophe écologique
#secheresse #eau #dessalement
Article mis en ligne le 19 avril 2023

Des communes françaises se sont récemment mises au dessalement de l’eau de mer pour faire face à la sécheresse. Ce procédé a cependant des répercussions écologiques néfastes.

Déjà adopté depuis une cinquantaine d’années sur l’île de Sein, en Bretagne, le dessalement de l’eau de mer a récemment été testé par deux nouvelles communes françaises : le village de Rogliano, en Corse, et l’île morbihannaise de Groix, qui a mis en place l’été dernier une unité — temporaire — de dessalement afin de répondre à l’explosion de la demande durant la saison touristique. Transformer un bouillon de plancton, de chlorure et de sulfate en eau potable se fait cependant à un prix écologique élevé. (...)

Dessaler avec... les énergies fossiles

Premier problème : la consommation d’énergie requise par l’opération. Plusieurs techniques de dessalement existent. On peut grossièrement les diviser en deux : les procédés thermiques, qui rendent l’eau salée potable en la distillant, et l’osmose inverse (aujourd’hui majoritaire), qui récupère l’eau douce contenue dans l’eau de mer en la faisant passer à travers une membrane.

Les premiers consomment entre 7 et 27,3 kWh pour 1 m3 d’eau dessalée, relèvent les chercheurs Marc-Antoine Eyl-Mazzega et Élise Cassignol dans un rapport réalisé pour l’Institut français des relations internationales (Ifri) en septembre 2022. L’osmose inversée requiert quant à elle entre 2,5 et 3 kWh pour produire la même quantité d’eau douce. De nombreux projets de recherche ont été lancés, ces dernières années, afin d’augmenter la résistance des membranes au sel, et ainsi améliorer l’efficacité énergétique de ce procédé. Il n’en demeure pas moins, comme ses compères thermiques, « très énergivore », note le rapport. (...)

La facture est d’autant plus salée que les usines de dessalement fonctionnent, dans leur immense majorité, grâce aux énergies fossiles. C’est notamment le cas aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite, au Koweït et à Oman, qui font partie des plus gros producteurs d’eau dessalée de la planète. (...)

D’après une étude de la Banque mondiale, si rien n’est fait pour rendre le secteur plus durable, il pourrait d’ici 2050 en émettre 280 millions supplémentaires — soit, au total, l’équivalent du volume des émissions françaises en 2021.
« Un cercle de résistance non vertueux, qui amplifie le dérèglement climatique » (...)

Autre péril : les rejets toxiques. (...)

un risque écologique majeur.

L’augmentation de la salinité de l’eau peut en effet amplifier, localement, le phénomène de désoxygénation de l’océan. (...)

« Le dessalement devrait être la dernière chose à faire »

Les conséquences peuvent également être catastrophiques pour les organismes marins, notamment les coraux, les algues et certains mollusques. Christophe Mori se dit particulièrement inquiet pour l’avenir des herbiers de posidonie, des plantes à fleurs marines emblématiques de la Méditerranée, déjà très endommagées par les ancres des bateaux de plaisance. « À Chypre, une étude a montré que ce milieu était très détérioré, en partie à cause de la saumure. » (...)

Plutôt que de miser sur le dessalement à grande échelle, l’universitaire recommande de réduire au maximum les fuites du réseau — responsables, en France, de la perte de 1 milliard de mètres cubes d’eau potable par an, soit 20 % de la production —, de réutiliser les eaux usées, et de remettre en question certains de nos usages, notamment les piscines. (...)