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DivSeek : chronique d’une biopiraterie légalisée
Article mis en ligne le 7 juillet 2017
dernière modification le 6 juillet 2017

DivSeek est la contraction de deux mots anglais : Diversity (diversité) et Seek, chercher. Il s’agit pour les promoteurs de cette initiative, essentiellement des chercheurs en génétique végétale (officiellement du secteur public), et gestionnaires de banques de semences [1], d’harmoniser les informations sur la diversité génétique des cultures stockées dans les bases de données du monde entier, pour mieux les étudier et les valoriser. Mais derrière cet objectif, se cachent les intentions moins avouables des industries semencières...

Inventorier la diversité et retrouver certaines séquences génétiques dans les différentes bases de données de plantes cultivées, en un seul clic ? Telle est la promesse annoncée par le projet DivSeek. De quoi s’agit-il ? Au départ, les paysans réalisaient différentes formes de sélection massale (c’est-à-dire le choix, dans « la masse » de la récolte issue de pollinisation libre et/ou dirigée, d’une grande diversité de semences et dans quelques cas, des greffes de variétés différentes) ; puis, dès la fin du XIXe siècle, certains paysans se sont spécialisés et ont poursuivi une sélection basée sur la multiplication de lignées pures issues de croisements dirigés, conduisant à la création d’entreprises semencières [2]. Mais dans tous les cas, on partait d’un organe reproducteur d’une plante physique, pour le croiser avec une autre plante physique.

Depuis quelques décennies et surtout depuis les années 2000, la compréhension du contenu et du fonctionnement génétique s’est affinée, les outils de séquençage génétique se sont perfectionnés [3], les coûts ont baissé, et aujourd’hui, il est possible pour des sommes modestes [4], de séquencer l’intégralité des génomes de plantes [5] et d’identifier les séquences génétiques responsables d’un caractère donné [6]. Ce que font de nombreux laboratoires, en regroupant ces données [7] dans des bases qui leurs sont propres. Ils utilisent diverses méthodes et leurs résultats sont parfois différents.

DivSeek : un système interconnecté d’archivage de données (...)

L’initiative DivSeek ambitionne donc de mettre en place un système standardisé de gestion des bases de données, depuis les logiciels informatiques utilisés, jusqu’aux manières d’alimenter et de « gérer » les bases de données, en passant par la collecte d’informations culturales et les modalités d’accès aux informations. Et afin de généraliser au maximum son système, DivSeek promeut l’utilisation des Digital Object Identifiers (DOI), littéralement « identifiants numériques d’objet ». En gros, c’est un mécanisme informatique d’identification de ressources phytogénétiques (avec toutes sortes d’informations harmonisées sur la provenance, le nom scientifique, le contexte environnemental... une sorte de carte d’identité) pour en faciliter la gestion numérique sur le long terme. DivSeek coordonne les acteurs (institutions, projets…) afin qu’ils mettent au point les normes de ce DOI. Ce système de DOI est également celui qui est promu par le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’agriculture et l’alimentation (Tirpaa) [9] (voir encadré ci-dessous).

Les objectifs du Tirpaa (...)

Tirpaa, DivSeek et partage des avantages...
En théorie, le Tirpaa interdit aux utilisateurs du MLS (essentiellement scientifiques et semenciers, voir encadré ci-dessous) de déposer des droits de propriété intellectuelle limitant l’accès aux semences qu’il leur a fournies et les oblige à partager, avec les paysans, les avantages issus de la valorisation économique de ses ressources, c’est-à-dire les avantages issus de la vente de nouvelles variétés obtenues à partir des échantillons stockés dans le cadre du MLS. Dès lors, une des questions que se posent les paysans, notamment ceux du mouvement international La Via Campesina [19], est de savoir si cette interdiction et ce partage des avantages seront respectés lorsque les ressources génétiques du Tirpaa deviendront librement accessibles sur Internet suite à l’initiative DivSeek. Car, si le monde paysan alimente gratuitement les banques en semences, le projet DivSeek, en transformant ces échantillons en un suite de données informatiques dématérialisées, les met en accès libre. Il supprime ainsi toutes les obligations destinées à limiter les risques de biopiraterie.

À qui profite la mutualisation des ressources ? (...)

Or, les principaux utilisateurs du système multilatéral ne sont pas les paysans qui ont créé et conservé la biodiversité agricole de génération en génération, mais les scientifiques et les industriels pour qui ce « pot commun » est conçu. Selon cette conception, on peut bien sûr considérer que les agriculteurs sont inclus dans le partage des avantages en tant qu’utilisateurs finaux des variétés industrielles. Mais un tel raisonnement consiste à dire aux communautés rurales que le partage des avantages, c’est le progrès scientifique général. Ce raisonnement constitue un retour vers une conception impérialiste de la justice par rapport à ce que le Sommet de Rio avait réussi à imposer, sans compter que ce « progrès scientifique », autrefois pensé comme un bien public sous la forme des variétés améliorées de la révolution verte, est désormais payant sous la forme de variétés privées de plus en plus chères » [20]. (...)

la menace principale est la privatisation de toutes les ressources phytogénétiques par des brevets portant sur les caractères indispensables aux cultures. Or qui dit privatisation dit fin du système multilatéral, et retour aux négociations bilatérales de droits de licence. Sauf que dans le cadre de la Convention pour la diversité biologique, le bénéficiaire du partage des avantages est le paysan ; et dans ce nouveau cadre, le bénéficiaire des droits de licence est l’industrie : un partage des avantages à l’envers, auquel aucun paysan n’a intérêt.