
L’évacuation du campement du Millénaire, près de la porte d’Aubervilliers à Paris, où sont entassés plus de 1 500 migrants, a débuté mercredi 30 mai au matin. Le point sur la situation en dix questions.
Quelle sera la stratégie opératoire mercredi matin ?
La stratégie sera la même que pour les dernières évacuations. Paris en a connu vingt-neuf depuis juin 2015. Les exilés du campement du Millénaire vont être priés tôt mercredi matin de monter dans des bus qui se dirigeront vers les 18 gymnases « réquisitionnés » en Ile-de-France, où 2 200 lits de camp les attendent. Paris a mis à disposition cinq gymnases, soit 800 places ; la Seine-et-Marne trois ; les Yvelines, le Val-de-Marne, l’Essonne et le Val-d’Oise deux chacun ; les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis un chacun.
L’opération est menée conjointement par la préfecture de région, la préfecture de police de Paris, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), les associations opérateurs de l’Etat (France Terre d’asile entre autres) et la Mairie de Paris.
Que se passera-t-il ensuite ?
Rien de plus que d’ordinaire, expliquent plusieurs sources au Monde. L’OFII interviendra dans les gymnases pour un relevé des situations administratives. Là, deux modus operandi s’affrontent. Le premier voudrait que ce contrôle des identités et des statuts ait lieu dès mercredi après-midi ; les tenants du second courant estiment qu’il faut laisser trois ou quatre jours de répit aux migrants avant de leur demander s’ils sont réfugiés, demandeurs d’asile, déboutés de l’asile, dublinés (leurs empreintes enregistrées dans le fichier Eurodac montrent qu’ils sont entrés en Europe par un autre pays qui devrait être responsable de leur demande d’asile) ou s’ils viennent d’arriver.
Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a baptisé son opération « mise à l’abri et de contrôle des situations administratives » pour laisser entendre que la seconde partie, celle des contrôles, est nouvelle. Dans les faits, chaque démantèlement a été suivi depuis deux ans d’une vérification des statuts, pour savoir vers quelle structure orienter chaque personne.
Que se passe-t-il pour les autres campements parisiens ?
Dans la capitale, trois campements principaux rassemblent plus de 2 000 migrants. Celui du Millénaire en aurait 1 500 ou 1 600. C’est le plus important en France aujourd’hui. Il sert de base arrière à Calais où il est difficile de survivre, tant la pression policière est lourde. Les exilés viennent se reposer à Paris, avant de tenter à nouveau le passage vers Londres.
Le campement du Canal Saint-Martin compte quelques centaines d’Afghans et pourrait être démantelé dans la foulée de celui du Millénaire. Celui de la Porte de la Chapelle est plus compliqué à appréhender, car il mêle des populations très marginalisées. (...)
Le gouvernement risque de communiquer sur ceux qui ne souhaitent pas être mis à l’abri pour accréditer les éléments de langage qu’il distille sur la volonté des migrants des campements parisiens de se soustraire à tout contrôle administratif. (...)
Depuis plusieurs mois, le directeur de France Terre d’asile répète que « si l’on ne veut pas la création de nouveaux campements, il faut penser un dispositif de pré-accueil réparti en plusieurs points du pays ». De nombreuses autres voix proposent la même stratégie mais le ministère de l’intérieur s’y oppose, craignant « l’appel d’air ». La demande de Gérard Collomb à Anne Hidalgo d’installer des dispositifs empêchant les campements de se reformer dans la capitale n’empêchera pas les 50 arrivées quotidiennes en France.
Les déboutés de l’asile, qui ne sont pas tous renvoyables, eu égard à la situation de leur pays, rejoindront une nouvelle fois les campements, une fois les premières tentes posées… (...)
Qui sont les « dublinés » ?
Ceux qui ont laissé leurs empreintes dans un autre pays d’Europe seraient 40 000 à attendre de redéposer une demande dans l’Hexagone. La France met beaucoup d’énergie à les renvoyer, mais sans succès. Certains ont juste été interceptés en traversant l’Italie, d’autres ont été déboutés d’une demande d’asile ailleurs en Europe et viennent chercher une seconde chance.
Tant qu’il n’existera pas d’harmonisation européenne des politiques d’asile, ce problème subsistera. La Commission européenne aurait dû arriver à un accord sur ce sujet en juin, mais compte tenu de la situation politique italienne, c’est quasi exclu. (...)