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Docteur Cymès et mister Michel, experts médiatiques en coronavirus
Article mis en ligne le 26 juillet 2020

Le soir du 16 mars, Emmanuel Macron annonce le renforcement des mesures de confinement. Après son intervention, l’émission « Vous avez la parole » (France 2) était consacrée au coronavirus et Michel Cymès, le bien nommé « médecin de la télé préféré du PAF », est (à nouveau) en plateau. L’expert admettait, quelques heures plus tôt sur France 5, avoir contribué à minimiser l’épidémie par ses prises de paroles médiatiques. Mais cela ne l’empêche visiblement pas de revenir en plateau pour culpabiliser « les Français indisciplinés » vis-à-vis des mesures de confinement… Voire de sermonner une infirmière membre du collectif Inter-Urgences, venue témoigner des conditions de travail actuelles et exiger des moyens. Car on le sait, les experts osent tout. Mais ce que l’on redécouvre, c’est que leur magistère ne connaît pas la crise.

Qu’ils sévissent dans le domaine de la médecine, de l’économie, de la sécurité, etc., les experts médiatiques ont en commun, on le sait, cette redoutable faculté de s’exprimer publiquement avec aplomb – et à longueur d’antenne – sans maîtriser le sujet dont ils parlent. Quitte à se corriger (ou non) d’une heure sur l’autre. Comme le dit Christophe Barbier, « la vérité de 6h50 n’est pas celle de midi ».

On aurait pu penser que la crise du coronavirus changerait la donne : dans la période actuelle, l’exigence d’une information grand public de qualité s’impose d’autant plus que les informations ont des conséquences vitales, tout particulièrement dans le domaine médical. Et que le rapport comme l’accès au savoir scientifique, médical, sont socialement discriminants. Dès lors, les tenants de la parole publique ont une responsabilité plus grande encore que d’ordinaire. Et pourtant, les grands médias n’ont pas l’air de vouloir changer leurs bonnes vieilles habitudes : recourir aux experts, les regarder se tromper, commenter leurs bourdes à coup d’articles tapageurs, et, sans l’ombre d’une hésitation, les réinviter.

En témoigne la fabuleuse histoire de Michel Cymès et du coronavirus. (...)

Michel Cymès ne saurait se contenter d’être un père-la-morale. Comme tout bon expert médiatique, il dispose également d’une casquette « chien de garde ». Un rôle qui lui permet de décréter ce qui peut être dit (ou non) sur un plateau, et sous quelle forme. Celle qui en fait les frais ? Juliette Richard, infirmière aux urgences de l’hôpital Robert Debré et membre du collectif Inter-Urgences [2].

Il se trouve que l’infirmière n’a pas mis sa colère au placard avant d’entrer en plateau. Colère concernant les conditions de travail des soignants, colère concernant les revendications demeurées insatisfaites. D’emblée, son discours se heurte aux rectifications hors sol des deux présentateurs, bien décidés à lui expliquer qu’Emmanuel Macron a tout prévu (dans son allocution) (...)

Là où Michel Cymès bénéficiera, au cours de l’émission de France 2, de multiples interventions (sur plus de deux heures d’antenne), Juliette Richard ne s’exprimera environ que trois minutes. Un décalage énorme qui en dit long sur l’arbitrage des présentateurs quant à la répartition du temps de parole, à géométrie variable en fonction du contenu de cette parole et de celui ou celle qui la profère. Ainsi un expert en bourdes, multirécidiviste, s’astreignant à des propos dépolitisés bénéficiera d’un temps beaucoup plus important qu’une infirmière « sur le pont », réclamant des moyens immédiats face à la catastrophe sanitaire en cours.

Ainsi va la routine des grands médias, qui, par bien des aspects, n’a pas été bouleversée par la crise du coronavirus. Le « cas Cymès » est loin d’être isolé (...)