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Simplement de gauche
Docteur Lucet et Madame Cash ?
Article mis en ligne le 4 avril 2016

J’ai toujours eu beaucoup de mal avec Élise Lucet. Probablement, le fait qu’elle présente, tous les jours de la semaine, depuis plus de 10 ans, le journal de 13 heures de France 2 n’y est pas pour rien. Car on ne propage pas la peste de la pensée unique néolibérale depuis autant de temps sans en être soi-même une disciple fervente depuis le départ ou sans en avoir été au fil du temps mortellement affectée ; ce qui au final, vous en conviendrez, revient parfaitement au même quant à son degré de nocivité en matière de dissémination de propagande.

L’appartenance de Mme Lucet à la caste zélée des chiens de garde du capital ne fait pour moi aucun doute. Aussi suis-je toujours aussi surpris de voir à quel point son émission phare, Cash Investigation, peut encore susciter quelque espoir de rebellitude iconoclaste. C’est pourtant encore ce qui semble s’être passé pour le dernier numéro de son magazine, intitulé « Cash Investigation. Salariés à prix cassé : le grand scandale » et diffusé mardi soir dernier à 20h30 (...)

Qu’est-ce qui cloche dans ce reportage ? Ben, je va vous l’dire ma bonne dame ! Il vous détourne du véritable problème, voilà c’qui va pas ! Il focalise votre attention sur sa main gauche alors que c’est la main droite qui fait disparaitre le lapin. Ce reportage m’a rappelé (et m’a mis dans le même état d’énervement) que beaucoup de films prétendant militer contre la peine de mort avec pour seul argument que le condamné à mort est … finalement innocent (avec rebondissement de dernière minute et tout et tout). Pour lutter véritablement contre la peine de mort il ne faut pas avoir peur de prendre à bras le corps la véritable gageure qui consiste à dégouter le spectateur de la peine de mort même lorsqu’il s’agit de salauds indubitablement coupables des pires atrocités. Un peu comme dans « Dead man walking » (« La dernière marche » en français) de Tim Robbins. Ça, c’est du boulot !

Lorsqu’on lit le début du synopsis du Cash de mardi dernier, on est en droit de penser que l’émission va s’attaquer au problème intrinsèque de la directive « détachement des travailleurs », à savoir que cette dernière organise un véritable dumping social, et ce, de manière tout à fait LÉGALE, en permettant à un employeur d’envoyer ses salariés travailler dans un autre pays de l’Union européenne tout en ne respectant pas la totalité du droit social de ce pays d’accueil. Ainsi, les cotisations sociales, salariales comme patronales, sont payées dans le pays d’origine, malgré les gros écarts de système social que l’on connait au sein de l’UE. (...)

Et hop, le cœur même du problème, à savoir en quoi et comment « ce système [est] déjà avantageux », est définitivement évacué. CASH INVESTIGATION ne nous dévoilera en effet, pendant presque deux heures (faut-il le rappeler), que des exemples de fraude, d’entourloupe, de détournement, d’illégalités liés à la directive des travailleurs détachés. Et même si, bien sûr, la fraude sociale de ces grands groupes demeure impardonnable et devrait être largement traquée et durement sanctionnée (le reportage reste donc intéressant à regarder pour mieux appréhender les types de fraude que les grands patrons peuvent élaborer à partir de cette directive), il n’en reste pas moins vrai que le problème principal de la directive des travailleurs détachés ne réside pas initialement dans la fraude qui en dérive mais bien dans son essence même. J’eusse ainsi aimer un reportage qui nous montre des entreprises qui respectent scrupuleusement la loi (et donc cette directive) et qui pourtant profitent de la différence des systèmes sociaux en Europe pour mettre sur la paille tout un tas de travailleurs français sans pour autant tirer vers le haut le niveau social des travailleurs étrangers détachés. Qu’un dernier volet d’un tel reportage s’attache ensuite à raconter quelques dérives et les dommages supplémentaires que cela engendre, pourquoi pas, mais d’abord eut-il fallu traiter du sujet principal. (...)