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Face à Trump, le come-back de la gauche aux États-Unis, incarnée par des « gens ordinaires »
Article mis en ligne le 13 novembre 2018
dernière modification le 10 novembre 2018

Donald Trump sort affaibli des élections intermédiaires aux États-Unis, qui se sont déroulées mardi 6 novembre. Les Démocrates ont conquis une majorité à la Chambre des députés. L’aile gauche du parti a même marqué des points lors de ce scrutin, en présentant de nombreux candidats, souvent plus jeunes et souvent des femmes, qui ont réalisé de bons scores : des « gens ordinaires » dont les propositions sociales ou écologiques sont loin de la ligne néolibérale incarnée par Hillary Clinton. Certains caressent l’espoir que ce retour en grâce de la gauche ouvre la voie à de véritables changements.

Motivés à la fois par leur hostilité au président Trump et par une vision nettement plus à gauche que celle défendue par les dirigeants du principal parti d’opposition, de nombreux jeunes candidats se sont présentés pour la première fois lors de ces élections. Beaucoup d’entre eux ont gagné, du niveau municipal jusqu’au niveau fédéral. S’ils viennent d’horizons différents — une donnée significative dans ce pays peuplé par plus de 300 millions d’habitants —, ils partagent certaines revendications et certaines convictions communes. Pour eux, il ne suffit pas de battre Donald Trump, mais de reconstruire la démocratie américaine sur un modèle progressiste : faire en sorte que le pays devienne plus social, plus écologique et plus solidaire, bref, qu’il réalise ses promesses non-tenues jusqu’ici.

Augmentation du salaire minimum et défense du droit à l’IVG(...)

Pour certains, la tendance est confirmée : le Parti démocrate est bien et bel en train de basculer à gauche. C’est ce qu’affirme David Duhalde, directeur politique de Our Revolution (« Notre révolution »), l’organisation nationale créée par Bernie Sanders suite à sa campagne pour l’investiture démocrate en 2016. Comptant environ 200 000 adhérents, l’organisation a donné son soutien à quelque 300 candidats lors du cycle électoral, dont Sam Bell et Alexandria Ocasio-Cortez. « Le parti et sa base deviennent de plus en plus explicitement progressistes, explique David Duhalde. Et ils deviennent de plus en plus implicitement sociaux-démocrates, dans leurs orientations, leurs engagements et leurs préférences de vote. »

Plusieurs facteurs seraient à l’origine de ce basculement. Tout d’abord, explique David Duhalde, il y a l’occupant actuel de la Maison Blanche et la forte hostilité qu’il provoque. (...)

Dans les ultimes jours de cette campagne qui a connu un succès inattendu, le sénateur du Vermont a appelé les « gens ordinaires » à se présenter aux élections. Une plate-forme progressiste s’est depuis mise en place, largement inspirée du programme présidentiel de Sanders : l’augmentation du salaire minimum fédéral à 15 dollars de l’heure ; la gratuité des universités publiques ; l’extension du système d’assurance maladie publique et universelle, « Medicare », actuellement réservé aux personnes âgées, au reste de la population. La revendication est mieux connue sous le mot d’ordre Medicare for all, « Medicare pour tous ».

« C’est une revendication que les électeurs soutiennent massivement et que de plus en plus de candidats ajoutent dans leurs plateformes »(...)

« Faire élire des gens qui répondent aux associations citoyennes de base et aux syndicats »(...)

Le but de Our Revolution ? Non pas transformer le Parti démocrate en tant que tel, mais construire une majorité politique animée par des forces progressistes. Comme l’explique Duhalde : « Faire élire des gens qui peuvent devenir la majorité du parti et qui répondent aux syndicats, aux mouvements sociaux et aux associations citoyennes de base ». Ces élections semblent marquer un premier succès de cette stratégie.

Le retour en grâce du « socialisme »
Autre indice du tournant à gauche qu’a pris la politique états-unienne ces dernières années : l’attraction qu’exerce un mot qui a longtemps été imprononçable pour beaucoup, au pays du maccarthysme [2] : le mot « socialisme ». L’organisation Democratic Socialists of America (« Socialistes démocratiques des États-Unis »), plus connue sous l’appellation DSA, compte actuellement plus de 50 000 adhérents. En novembre 2016, elle ne recensait que 5000 membres. Encore une fois, la popularité de Sanders en est en partie responsable de ce regain d’attractivité. Mais elle n’est pas seule.

Les victoires d’autres candidats qui s’identifient comme « socialistes » ont contribué à populariser l’image du DSA(...)

Alex Press est journaliste et rédactrice à Jacobin, un magazine new-yorkais très proche du DSA et qui offre une « perspective socialiste sur la politique, l’économie et la culture ». Pour elle, l’intérêt croissant du socialisme aux États-Unis trouve ses origines dans la dégradation des conditions de vie de la grande majorité de la population. « Nous vivons une époque marquée par des inégalités ahurissantes, on est submergés de dette, [et] on voit nos amis et des membres de nos familles enfermés par un système pénal qui est injuste et brutal, explique-t-elle. Peu importe qui est au pouvoir, il y a très peu de changement. »

En réalité, l’idée du socialisme aux États-Unis reste assez vague, plus proche d’un programme social-démocrate que d’un appel à la révolution(...)

Pour le syndicaliste Chris Townsend, cette nouvelle énergie au sein de la gauche reste prometteuse. « En tout cas, dit-il, vue la situation, les choses ne peuvent qu’aller en s’améliorant ».