
Du 18 au 20 octobre, des conducteurs de la SNCF ont fait valoir leur droit de retrait à la suite d’un accident qui s’est produit le 16 octobre dans les Ardennes. Alors qu’un TER a percuté un poids lourd à un passage à niveau, le conducteur, blessé et seul agent à bord, a dû parcourir plus d’un kilomètre à pied pour protéger la voie afin d’éviter un sur-accident, tout en ayant dû gérer les usagers, dont 11 étaient légèrement blessés.
Mais dans les grands médias, ce n’est pas le personnage principal. Pas plus que les conditions de travail des salariés de la SNCF ne sont le sujet dominant. Alors que les cheminots alertent, à travers leur droit de retrait, sur l’absence de contrôleurs dans les trains et les graves manquements à la sécurité (pour les salariés comme pour les usagers), la plupart des télévisions ont traité leur mobilisation selon deux angles éditoriaux : la « pagaille » dans les gares, et la validité juridique du droit de retrait. Quatre jours durant, ces deux axes ont écrasé tout le reste dans les JT de 13h et 20h de France 2. (...)
Marronnier qui jamais ne flétrit, la « pagaille » est, on le sait, un des angles de prédilection de la rédaction de France 2 pour traiter d’un mouvement social. Cela n’a pas manqué s’agissant de cette nouvelle mobilisation des cheminots alertant sur les conditions de sécurité et de travail à la SNCF. (...)
La rédaction de la chaîne publique a par ailleurs systématiquement choisi l’angle de la « pagaille » en guise d’ouverture du « dossier SNCF » dans les JT. Au premier jour du mouvement, le 18 octobre, cette hiérarchie était encore plus problématique : avant d’avoir quelques (maigres) précisions sur le pourquoi de l’exercice du droit de retrait, les téléspectateurs ont d’abord dû en passer par les sempiternels micro-trottoirs d’usagers en colère ! C’est là la magie de France 2 (...)
Les micro-trottoirs pleuvent dans toutes les éditions, recyclés du 13h au 20h (on en a compté au moins cinq communs aux deux JT) et lancés par des questions dont la valeur journalistique n’est plus à prouver :
- Journaliste : C’est la galère ?
- Usagère : Ouais, c’est la galère.
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Au-delà de la « pagaille », la rédaction de France 2, comme beaucoup d’autres, a veillé à mettre en scène les réactions à l’unisson de la direction de la SNCF et du gouvernement. Leur propos ? Délégitimer les droits des cheminots, en parlant de « grève surprise », là où les conducteurs faisaient valoir leur droit de retrait. (...)
S’il ne nous appartient pas de commenter les stratégies ni les conséquences pratiques d’un tel déplacement sémantique, immédiatement contesté par les cheminots et leurs syndicats, nous constatons que la rédaction de France 2 a choisi en revanche d’endosser l’un des deux points de vue. Et ce « sans surprise », pour le coup. (...)
Un débat quasiment classé par France 2 et son journaliste, au prix d’imprécisions notables (...)
Laurent Delahousse, estime quant à lui ne pas avoir besoin d’attendre le fin mot de l’histoire pour reprendre la terminologie du gouvernement : « Oui, cette grève intervient alors qu’il s’agit du premier week-end des vacances de la Toussaint. »
Quant à l’avis des deux inspecteurs du travail d’Alsace et de Champagne-Ardenne ayant confirmé le fondement du droit de retrait, les téléspectateurs n’en sauront rien. (...)
Un symptôme du traitement de la question sociale à la télévision (...)
Reste que pour les éditorialistes et les rédactions en chef, cette séquence médiatique constitue une bien belle « mise en jambe » ; sorte de prélude à la « chienlit » médiatique qui s’annonce, sans surprise, pour décembre.