
Depuis une vingtaine d’années les collectivités locales françaises ont dépensé plus de 5 milliards d’euros pour changer les canalisations en plomb du réseau public de distribution d’eau potable. Ces travaux colossaux, qui ont renchéri la facture d’eau, et procuré des bénéfices considérables aux filiales de Veolia, Suez et Saur qui effectuaient les travaux, trouvaient leur source dans une directive européenne, contestée et contestable, puisqu’aucun cas de saturnisme provoqué par le plomb de l’eau du robinet n’a été constaté en France dans la même période… L’effet d’aubaine dont ont profité les trois majors de l’eau est d’autant plus scandaleux que, dans le même temps, les conduites intérieures des immeubles, en plomb elles aussi, et le plus souvent dans un état calamiteux facilitant le relargage des ions plomb dans l’eau, n’ont pas été changées… Résultat, une récente étude réalisée conjointement par l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) alerte les pouvoirs publics sur l’exposition au plomb, via l’eau du robinet, de plus de 100 000 nourrissons.
Un sujet rêvé pour la table ronde « Environnement et santé » de la prochaine Conférence environnementale.
(...) Il est pourtant désormais avéré qu’environ 105 000 habitations sur les 3,6 millions abritant un enfant de six mois à six ans présentent une concentration de plomb dans l’eau du robinet supérieure à 10 μg/l, valeur limite réglementaire à compter du 1er janvier 2013, comme l’a établi la première étude menée sur l’exposition des enfants au plomb et autres métaux toxiques dans l’habitat menée conjointement par le CSTB et l’Ecole des hautes études en santé publique.
Financée par les ministères en charge de la santé, du logement et de l’écologie, cette étude a été menée dans le cadre du projet « Plomb-Habitat », porté par le CSTB et l’EHESP, en partenariat avec l’Institut de veille sanitaire, le laboratoire de toxicologie de l’hôpital Lariboisière (AP-HP) et l’Institut Supérieur d’Agriculture de Lille. (...)
L’exposition des enfants au plomb entraîne des effets néfastes sur leur santé, et en particulier sur leur développement. Ces effets peuvent apparaître en deçà de la concentration en plomb dans le sang de 100 μg par litre, définition du saturnisme. La réduction des expositions environnementales au plomb constitue donc un objectif de santé publique de premier plan. (...)
Parallèlement à cette étude sur le plomb, l’EHESP et le CSTB se sont également intéressés à l’exposition des jeunes enfants via l’eau, les sols et les poussières à d’autres éléments, tels l’arsenic, le cadmium ou le chrome. Les résultats de contamination des poussières intérieures et des sols extérieurs, uniques en France à ce jour, sont désormais disponibles. Ils montrent des concentrations comparables à celles obtenues dans d’autres pays. Des différences entre zones rurales et zones urbaines, variables selon les métaux, sont également observées.
Grâce à une méthode de mesure développée pour cette recherche, la fraction soluble dans l’estomac, et donc assimilable par l’organisme, a également été mesurée. Ces résultats permettront de prendre en compte l’ingestion de sols et poussières dans les évaluations nationales des risques sanitaires liés aux métaux. (...)