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Eau : la Cour des comptes étrille la gestion de l’État
#eau #secheresse #rechauffementclimatique #courdescomptes
Article mis en ligne le 25 juillet 2023
dernière modification le 24 juillet 2023

Peu de données fiables, peu de contrôles... Dans un rapport, la Cour des comptes critique la gestion de l’eau en France par l’État. Réduire les prélèvements est la « seule solution », dit-elle.

L’eau manque. Soixante-cinq départements français sont en alerte sécheresse. Depuis cinq ans, environ un tiers du territoire est touché chaque année par des restrictions d’usage de l’eau. C’est dans ce contexte que la Cour des comptes a sorti, le 17 juillet, un rapport fort critique de la gestion de l’eau par l’État français. Il se conclut par une série de onze recommandations pour améliorer la gestion et, surtout, réduire nos prélèvements d’eau, « seule solution » pour préparer l’avenir.

Entre 1990 et 2018, la disponibilité en eau renouvelable (celle qui ne retourne pas dans l’atmosphère par évaporation ou transpiration des végétaux) a diminué de 14 % en France métropolitaine. Et la situation devrait s’aggraver. « Si l’on perd 14 % d’eau pour un réchauffement de 0,6 °C sur la période, je vous laisse imaginer ce qui nous attend avec le réchauffement futur. Il est temps de sortir des mesures de gestion de crise, qui tiennent trop souvent lieu de stratégie », a dit, cinglant, Pierre Moscovici, le Premier président de la Cour des comptes.

Pour la Cour, la priorité « incontournable » est donc de réduire nos prélèvements d’eau. Or cela suppose en amont de bien connaitre à la fois l’état de la ressource disponible et le niveau des prélèvements effectués. Deux domaines pour lesquels l’institution pointe un défaut de données qui, quand elles existent, sont trop « vagues », voire « erronées », comportent des « incohérences »... et sont donc sources de contestations qui nuisent à l’élaboration de stratégies efficaces.

Connaissances lacunaires, projets mal étayés (...)

Les interactions complexes qui régissent le cycle de l’eau rendent encore plus ardue la compréhension du niveau des ressources. (...)

Une autre limite concerne les capacités à se projeter sur le niveau des ressources futures. (...)

Conséquences sur le terrain : des projets de prélèvements massifs en eau, notamment ceux de mégabassines prévues pour l’irrigation, s’appuient sur des études contestables. Exemple emblématique : la mégabassine de Sainte-Soline ainsi que les quinze autres réserves de substitution en projet dans les Deux-Sèvres ont été validées par la préfecture dans le cadre un protocole signé en 2018. Celui-ci s’appuie sur une étude du BRGM rassurante quant aux conséquences de ces bassines sur les milieux. Mais le Bureau lui-même a publié un communiqué relativisant la portée de cette étude : portant sur la période 2000-2010, ses constats ne prennent pas en compte les évolutions récentes ni les conséquences du changement climatique.
Des prélèvements non déclarés

La Cour pointe également les carences de l’État en matière de mesure et de contrôle des prélèvements effectués sur le territoire. (...)

aucune comptabilité précise et accessible des autorisations de prélèvement d’eau délivrées par les services de l’État n’est facilement accessible. Le rapport appelle en conséquence à « renforcer sans délai » les contrôles des autorisations de prélèvement.

Les données, quand elles existent, ne sont pas non plus toujours cohérentes entre elles. (...)

Le Plan eau manque d’ambition

Le rapport formule en conclusion onze recommandations pour améliorer la gestion et, in fine, réduire nos prélèvements d’eau, « seule solution » pour préparer l’avenir. En plus de « se donner les moyens » d’améliorer nos connaissances sur l’état de la ressource, sur le niveau des prélèvements et de renforcer les contrôles, l’institution conseille d’améliorer la gouvernance et le pilotage des politiques de l’eau à l’échelle locale. Les sous-bassins hydrographiques sont en effet le « maillon faible » de la mise en œuvre de ces politiques. La Cour recommande ainsi une généralisation des commissions locales de l’eau (CLE) et leur saisine systématique pour tous les projets d’urbanisme et de développement économique.

Un axe majeur d’amélioration de la situation passe aussi par une refonte totale de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau. La Cour propose d’une part de déplafonner le montant de ces redevances pour fournir davantage de moyens aux agences de l’eau. Surtout, elle recommande de simplifier, harmoniser et rendre plus juste la tarification. Celle-ci fait aujourd’hui porter l’essentiel du poids de la redevance sur les particuliers : ils la financent à 75 % alors qu’ils prélèvent moins de 17 %. (...)

Les précisions à venir du Plan eau donneront la mesure des capacités du gouvernement à répondre aux « défaillances de la planification de la gestion quantitative de l’eau » pointée par la Cour des comptes. Concernant le message central du rapport, la réduction des prélèvements, l’ambition affichée est insuffisante (...)

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 (Basta !)
Ces golfs et multinationales exemptés de restrictions d’eau malgré la sécheresse
Les restrictions d’eau pendant la sécheresse ne s’appliquent pas avec la même fermeté à tous les acteurs. Les industries du golf, des semi-conducteurs, de l’agroalimentaire ou des eaux minérales bénéficient de dérogations, souvent sans contreparties. (...)

Dérogations peu compréhensibles

Les orientations données par le ministère de la Transition écologique aux préfectures prévoient des dérogations aux restrictions d’eau pour l’arrosage des golfs, même au niveau de gravité de sécheresse le plus élevé [1].

Les golfs doivent certes réduire le volume d’eau utilisé, mais peuvent irriguer leurs greens, même en situation de « crise ». La surveillance des quantités d’eau utilisées se base majoritairement sur les déclarations des golfs eux-mêmes. Il n’y a donc pas de contrôles ni de sanctions. Au même niveau de gravité de sécheresse, l’arrosage des cultures agricoles est en revanche prohibé, même avec des dispositifs économes en eau comme le goutte-à-goutte ou la micro-aspersion.

La « discipline fait l’objet d’attaques aussi injustes qu’infondées » estime la Fédération française de golf dans un courrier de réponse au député de La France insoumise François Ruffin. La fédération met en avant des « efforts importants » pour réduire la consommation d’eau de ses 740 structures. (...)