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Echos des Lumières - La ville en flammes
Article mis en ligne le 23 avril 2019

Echos des Lumières est un nouveau projet animé par des doctorants en histoire moderne, destiné à explorer les relations entre l’actualité et le XVIIIe siècle.

Les images de la cathédrale Notre-Dame se consumant dans les flammes resteront à jamais gravées dans les mémoires comme celles de plusieurs siècles d’histoire partant en fumée. Comme si le temps avait été brutalement suspendu, les spectateurs incrédules ne pouvaient alors que constater avec effroi l’impuissance face à un risque que les sociétés ont toujours peiné à maîtriser, quels que soient leur outillage technique et leurs savoirs.

Le risque incendie

S’il est impossible de recenser tous les incendies du XVIIIe siècle sans tomber dans un inventaire à la Prévert, c’est que leur omniprésence dans les villes était telle qu’ils constituent un arrière-plan et une angoisse constants pour les citadins. Il faut dire que le feu menaçait de se déclencher partout, à la faveur de la promiscuité des maisons de bois et de torchis, de l’entassement des provisions ou encore de l’étroitesse des rues : au XIXe siècle encore, le baron Haussmann décrivait – non sans arrière-pensée de justification de son propre plan d’aménagement – la rue des Teinturiers, près de l’Hôtel de Ville, « si peu large, que la façade vermoulue d’une des maisons, en pans de bois hourdés de plâtre, qui la bordaient, essaya vainement de s’abattre : elle ne put que s’appuyer sur celle de la maison opposée ». Il n’y a guère de théâtre de l’époque moderne ou de bibliothèque qui n’ait succombé aux brasiers dévastateurs, sans compter les risques accrus dans les villes militaires par leurs dépôts de poudre. (...)

« L’incendie de Rennes, de la nuit du dimanche 22 décembre, est une chose affreuse. Ce n’est plus Rennes. Il y a trente-deux rues consumées, les maisons des procureurs, avocats, marchands de draps, de soie, et des orfèvres sont toutes brûlées. Tous les meubles perdus. On ne sait où se coucher ; c’est la plus grande désolation que l’on ait jamais vue ».

Mais à l’épanchement collectif devait succéder la reconstruction. Rennes fut ainsi le laboratoire d’un urbanisme régénéré, si bien que l’on vit se multiplier les projets témoignant des préoccupations des Lumières pour la réduction des risques, l’imposition de règles de construction plus strictes et, déjà, la circulation de l’air et l’abandon des lieux confinés conformément aux premières représentations hygiénistes du temps. (...)

Prévenir et secourir

La lutte contre les incendies constitue donc l’un des nombreux volets de la police urbaine d’Ancien Régime. La police est alors plutôt synonyme d’administration, englobant de la sorte toute une série de dispositions réglementaires afin de garantir l’approvisionnement, la salubrité, la propreté et la sûreté de la ville. Les municipalités veillaient donc à éloigner du centre des villes les activités industrielles dangereuses, à se débarrasser des toits en bois ou en chaume pour y substituer des murs en brique ou en pierre, à interdire les jeux avec de la poudre ou encore à prohiber l’accès aux granges avec des bougies. Elles cherchaient également à professionnaliser progressivement la lutte contre le feu et les secours avec la création des premières brigades de pompiers, spécialisées dans le service des pompes. C’est ainsi qu’à Paris, un corps de gardes pompes de 60 hommes fut créé le 10 mars 1722 par le conseil d’État, ce qui n’empêcha pas le terrible incendie causé le 30 mai 1770 par le feu d’artifice, mal maîtrisé, qui devait célébrer le mariage du dauphin (futur Louis XVI) et de Marie-Antoinette d’Autriche, et au terme duquel, au lieu de réjouissances, on ramassa d’après le libraire Hardy « des corps morts de quoi en remplir onze voitures », transportés et exposés faubourg Saint-Honoré pour que les familles les identifient… (...)

À Londres, défigurée par les flammes en 1666, un marché des assurances se constitua progressivement avec la création de sociétés spécialisées dans le risque incendie. (...)

Lorsque nous pleurons sur Notre-Dame, nos larmes sont celles de contemporains conscients d’un patrimoine collectif et national indépendant de la vocation confessionnelle du bâtiment. Cette conscience patrimoniale était peut-être discrète dans les réflexions sur les incendies au XVIIIe siècle, mais elle commençait néanmoins à infuser. (...)