
Ce mercredi 14 décembre 2016, une assemblée de soutien aux anciens salariés d’Ecopla était lancée par le journal Fakir à la Bourse du travail de Grenoble. L’enjeu : l’occupation de leur usine de Saint-Vincent-de-Mercuze pour pouvoir demain préserver un savoir-faire et des emplois
Voilà maintenant deux ans que les salariés d’Ecopla ont monté un projet de reprise de leur entreprise en Scop qui mobilise aujourd’hui 2,7 millions d’euros. Le tribunal de commerce a préféré vendre les machines à une entreprise italienne qui les déménagera en ne laissant aucun emploi sur place, le tout dans le silence étourdissant des pouvoirs publics. (...)
En préambule de cette réunion, François Ruffin, dans le mélange de sérieux et de provocation qui le caractérise, annonçait la couleur : il tenait au caractère solennel de cette « Assemblée générale constituante ». Il rappelait l’objectif de reprendre possession de l’usine le samedi 14 janvier, que cela est un geste grave car « nous allons enfreindre le droit de propriété. » Le droit à l’activité contre le droit de propriété, voilà clairement l’enjeu pour les salariés d’Ecopla qui ont été régulièrement déboutés dans leurs démarches pour protéger leur savoir-faire et poursuivre leur activité de fabrication de barquettes en aluminium. Cette décision lourde de sens, les salariés d’Ecopla ne voulaient, ne pouvaient la prendre sans un soutien actif de la population grenobloise et des environs. C’est en fonction de cette mobilisation qu’ils allaient se décider. À cette fin, des fiches d’inscription étaient remises aux participants pour qu’ils inscrivent leurs noms, leurs coordonnées, leurs moyens de locomotion et qu’ils s’engagent à « tracter, coller, boîter dans mon village, mon quartier, mon asso, mon ciné ; être présent le jour J ; ramener avec moi trois copains, voisines, collègues ; apporter ma guitare, ma salade de riz, une bouteille, des chansons pour réchauffer les corps et les coeurs. »
Ce soir, ils n’ont pas été déçus. Comme le disait à la cantonade François Ruffin, il y avait au minimum 577 personnes, soit plus que le nombre de députés à l’Assemblée nationale ! (...)
L’arrivée de Charles Piaget, l’ancien syndicaliste des Lip, a donné lieu à un véritable tonnerre d’applaudissements. « Comment suis-je devenu hors-la-loi ? » s’interroge-t-il. Il rappelle alors cette lutte fantastique de 1973 où l’entreprise Lip, rachetée par le suisse Ebauches SA, s’est retrouvée en faillite. Après quelques semaines d’occupation, il fallait bien s’occuper et se payer. C’est ainsi qu’ils ont relancé la fabrication des montres et la vente du stock existant. Ils ont réussi à se payer sept mois. Délogés par les CRS, ils poursuivent leur activité dans le centre de Besançon. Lutte tellement populaire qu’une marche nationale sur Besançon rassemblera plus de 100 000 personnes venues des quatre coins du pays en septembre 1973. (...) Au total, sept Scop ont été créées pour assurer du travail aux anciens salariés de Lip et « à ce jour, trois fonctionnent encore, deux coopératives et une Sarl. » Charles Piaget conclut en indiquant que « dans de telles situations, il faut de l’audace ! » (...)
Autre moment fort de cette soirée, la présence d’Olivier Leberquier de la Scop Ti qui a pris la suite de l’entreprise Fralib de Gémenos (13). Il faut dire qu’une belle délégation des Scop-Ti était présente et vendait leurs thés et infusions à base de composants exclusivement naturels. Après avoir rappelé qu’« un matin de mai 2012, ils étaient venus reprendre possession de leur usine », il a souligné l’importance du soutien populaire local (...)
L’économiste Frédéric Lordon était aussi de la partie. Il a tenu à être présent ce jour car pour lui, la lutte des Ecopla est un « combat pour l’autonomie des producteurs. » Nous vivons aujourd’hui « un capitalisme qui dépossède les travailleurs des produits, un capitalisme qui n’investit plus. » Face à cette situation, il défend un « droit de préemption des salariés en cas de règlement judiciaire », une loi Ecopla en quelque sorte. Son souhait : « Longue vie à Ecopla. » (...)
Après un quart d’heure de délibérations, les douze ancien-nes salarié-es reviennent dans la salle. La décision n’était pas longue à prendre. Toutes et tous se sont exprimé-es tour à tour. Oui, le samedi 14 janvier à 14 heures, ils réinvestiront leur usine !
C’est alors que s’engage un échange sur les modalités pratiques de l’action. (...)