
(...) Égalité professionnelle en dents de scie, constitutionnalisation du droit à l’IVG en attente, protection des mineur·es remise en question… Au premier semestre 2023, des grandes causes du quinquennat se perdent un peu. (...)
(...) Le projet de loi de constitutionnalisation du droit à l’IVG promis n’est pas déposé, la loi de protection des mineur·es a été remise en question, la France vient d’étioler une loi européenne de lutte contre les violences faites aux femmes, le remaniement ministériel fait planner des inquiétudes…
Si le président de la République, Emmanuel Macron, a fait pour la deuxième fois de l’égalité femmes-hommes la grande cause de son quinquennat, la constance n’est pas vraiment au rendez-vous sur ce sujet. Le remaniement ministériel a vu partir une ministre en charge des Droits des femmes, Isabelle Lonvis-Rome, très appréciée des actrices et acteurs de terrain, au point que des associations et réseaux féministes avaient lancé un appel à la garder au gouvernement à la veille du remaniement…
Bérangère Couillard, qui lui succède à ce poste, connaît très bien le sujet elle aussi et semble beaucoup plus proche du cercle des fidèles du président. Marcheuse de la première heure, elle avait été référente égalité pour LREM et présidente d’un groupe d’études « Entreprenariat au féminin. » Puis, députée et membre de la Délégation aux droits des femmes, elle a bataillé pour la loi de protection des victimes et pour l’allongement des délais d’IVG notamment. Elle s’était beaucoup investie lors du Grenelle de violences conjugales auprès de Marlène Schiappa, ex-ministre en charge des droits des femmes qui a dû quitter le gouvernement malgré sa fidélité au président de la République, en raison de l’affaire du fonds Marianne. (...)
Bérangère Couillard parviendra-t-elle à faire respecter l’engagement du gouvernement à déposer un « projet de loi constitutionnelle » pour protéger le droit à l’IVG ? La question est cruciale, nous vous expliquions ici pourquoi il faut un projet de loi pour protéger ce droit. Mais le gouvernement traîne.
Autre signe inquiétant de ce remaniement, Pap Ndiaye, qui a dénoncé l’extrême-droitisation des médias a quitté le gouvernement. Il avait été la cible d’attaques innommables après avoir affiché son soutien à la rédaction du JDD sans bénéficier de solidarité gouvernementale. Pourtant, quand les idées d’extrême droite progressent dans les médias, c’est très mauvais pour l’égalité entre femmes et hommes.
Parmi les nouvelles (ou non-nouvelles) de ce premier semestre 2023, la France se hâte très lentement aussi sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Elle vient de se montrer à nouveau mauvaise élève de l’Europe.
Autre symptôme inquiétant : son système judiciaire est montré du doigt par la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH) qui lui reproche d’ajouter du malheur au malheur des victimes de VSS en pratiquant la « victimisation secondaire », c’est-à-dire en traitant les victimes comme si elles étaient coupables des faits qu’elles dénoncent. L’engagement, pris après le Grenelle des violences, de mieux former les magistrats et policiers sur les VSS ne porte pas encore ses fruits.
Et ce n’est pas tout, des avocats défendant un homme ayant imposé des relations sexuelles à une mineure âgée de 14 ans ont voulu faire déclarer la loi de protection des mineurs inconstitutionnelle. Ils ont heureusement échoué !
Une autre bonne nouvelle cette fin de semestre permet de dire que tout n’est pas perdu pour le féminisme : la librairie niçoise qui avait été bâchée de noir par la police, lors du passage de Gérald Darmanin, a obtenu une condamnation de l’Etat pour « atteinte à la liberté d’expression. »
Une condamnation obtenue de haute lutte, comme tout ce qui peut faire reculer le sexisme ambiant. Un travail de Sisyphe !