
Nous publions l’introduction de présentation faite lors de la rencontre-débat organisée le 12 avril à l’EDMP avec Romuald Avet et Michèle Mialet, autour de leur ouvrage consacré à un mouvement original, et insuffisamment connu, mais qui demeure porteur d’enseignements et de réflexion sur le sens et le contenu de la revendication d’une éducation citoyenne aujourd’hui.
(...) L’expérience des républiques d’enfants au XXème siècle est très peu connue, elle est pourtant très riche dans sa diversité et très intéressante pour ce qu’elle a à nous dire, ou à nous apprendre, concernant les rapports entre éducation et démocratie. Nous avons voulu dans notre livre saluer la volonté, le courage, l’obstination et l’inventivité de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants qui dans les conditions les plus difficiles, parfois les plus périlleuses, aujourd’hui encore, ont engagé un processus subversif, une véritable révolution éducative, pédagogique et sociale. (...)
L’enfant est devenu un sujet de droit dans les pays démocratiques, il ne l’était pas encore au moment où se développaient les républiques d’enfants. Ses promoteurs ont anticipé cet événement en cherchant les moyens de le libérer de sa condition, souvent de son aliénation ou de son asservissement. L’expérience tragique de la barbarie les a confortés dans l’urgence de construire une nouvelle éducation affranchie non pas de l’autorité mais de l’autoritarisme, dans le respect des valeurs de liberté d’égalité et de fraternité. (...)
Aujourd’hui encore en Amérique du sud dans le prolongement de l’expérience espagnole, le mouvement des républiques d’enfants aide des enfants soldats à réapprendre à vivre hors d’une violence banalisée selon des principes d’autogestion. (...)
L’éducateur n’exige pas l’impossible d’un enfant abstrait, idéal, épargné de toute contrainte et de tout conflit, affranchi de la loi ; il construit un cadre, favorise une expérience dans laquelle ce dernier peut en fonction de son âge et de ses possibilités prendre sa place et devenir acteur à part entière de son éducation en participant activement à l’administration et au règlement de la communauté dans laquelle il vit. Dans ce cadre émancipateur se forment des individus ayant intériorisé à la fois la nécessité de la loi et la possibilité de la remettre en question. De ce point de vue il ne nous paraît pas pertinent d’assimiler l’expérience des républiques d’enfants au mouvement libertaire qui à différents moments et dans différents pays a expérimenté des alternatives à une éducation autoritaire.
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Rompre avec une éducation autoritaire ne va pas pour les promoteurs des républiques d’enfants sans instaurer un cadre institutionnel structurant, entièrement dévolu à l’égalité, à la justice et à la collégialité. L’enfant ne s’éduque pas tout seul, les adultes doivent accompagner ce processus d’autonomisation avec attention et vigilance. Le rôle des adultes change en effet à partir du moment où il se dépouille de son pouvoir, où il se résigne à ne pas avoir toujours raison, où il ne se prend plus pour un maître. Il n’en disparaît pas pour autant. (...)
L’ordre et la discipline sont nécessaires mais pas n’importe quel ordre, ni n’importe quelle discipline. L’ordre et la discipline ne s’obtiennent pas par la peur ou la contrainte extérieure.
l’enfant ne saurait être reconnu comme un citoyen, comme un sujet de droit, dans une société dont les fondements ne sont pas démocratiques mais inversement une société ne saurait se penser comme démocratique si elle n’accorde pas à l’enfant un vrai statut de citoyenneté.
Les hommes, les femmes et les enfants dont il est question dans le livre ont été novateurs dans la mesure où leur action a bouleversé un ordre établi, ce qui demeure une leçon pour notre temps si frileux, si craintif et éloigné de tout esprit de subversion.
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Ebuzzing