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Le Monde
« En Afrique, l’entrepreneuriat ne pourra résorber à lui seul le chômage des jeunes »
Article mis en ligne le 12 avril 2019

Notre chroniqueur tempère les ardeurs de ceux qui imaginent que la création d’entreprise sera « la nouvelle religion du continent ».

Comment l’Afrique peut-elle optimiser les 32,5 milliards d’euros que l’Union européenne (UE) va mettre sur la table d’ici à 2020 ? Comment peut-elle se servir au mieux des 40 milliards d’euros que l’UE projette encore de lui allouer entre 2021 et 2027 pour stimuler, entre autres, la création de 10 millions d’emplois ? Avec le doublement de la population continentale prévu d’ici à 2050, passant de 1,2 à 2,5 milliards d’habitants, l’Afrique devra être en mesure de créer pas moins de « 450 millions d’emplois sur les 20 prochaines années », indiquait en 2017 la Banque africaine de développement (BAD), si elle veut occuper sa jeunesse.

Les plus optimistes imaginent que la création d’entreprise sera la nouvelle religion du continent et que l’engouement pour l’innovation sera partout de mise. Déjà, les jeunes « se disent attirés à 72 % par l’entrepreneuriat », observent Jean-Michel Severino et Jérémy Hajdenberg, co-auteurs du livre Entreprenante Afrique. (...)

Une vague de nouveaux entrepreneurs d’une ampleur telle que l’Afrique est déjà la championne toutes catégories de l’entrepreneuriat à l’échelle planétaire. (...)

Mais il ne faut peut-être pas se réjouir trop vite. Jacques Leroueil, un spécialiste financier basé à Kigali, observe : « Lancer son affaire ne suffit pas, encore faut-il la pérenniser. Et à ce titre, l’Afrique détient la palme des cessations d’activité, avec un taux de 12,7 % en moyenne, contre 6,8 % en Europe, 9,6 % en Amérique latine et 12 % en Amérique du Nord. » Ce pourcentage élevé de fermetures d’entreprises ternit évidemment les perspectives les plus optimistes de création d’emplois.

Dans son rapport annuel 2017-2018, la Global Entrepreneurship Research Association dresse l’amer constat que « l’Afrique est la région du monde avec le plus faible pourcentage d’entrepreneurs s’attendant à créer plus de six emplois dans les cinq premières années de leur activité ». Jetant des doutes sur la capacité de l’entrepreneuriat à résorber à lui seul le chômage endémique du continent, ce rapport semble en outre suggérer que les jeunes Africains, faute d’opportunité d’emplois, se tournent souvent par défaut vers la création d’une activité privée. (...)

Certes, l’Afrique regorge d’innombrables hommes et femmes talentueux, dont les projets déboucheront sur l’émergence d’un prochain Mohammed Dewji ou d’une prochaine Folorunsho Alakija et qui emploieront des milliers de personnes. Mais, comme le suggère la réalité de l’entrepreneuriat sur le continent, leur ingéniosité ne sera pas suffisante pour combler les besoins colossaux liés au chômage des jeunes.