
Dans la vallée du Biros, en Ariège, un réseau autonome d’approvisionnement alimentaire a été mis en place par les habitants. L’objectif ? Subvenir aux besoins des personnes les plus fragiles face au coronavirus et écouler les stocks des petits producteurs locaux.l
« Nous sommes dans une vallée encaissée, un territoire de montagne où il est dur de faire les choses tout seul. C’est pour cela qu’il existe ici une certaine culture d’entraide », explique Elsa, boulangère à Irazein. Depuis maintenant plus d’un mois, elle fait partie des producteurs et bénévoles engagés au sein du réseau Biros Entraide. Ce système d’approvisionnement local a été mis sur pied dans la petite vallée ariégeoise du Biros après la fermeture, pour cause de pandémie, du marché de Saint-Girons, la sous-préfecture du coin. Chaque samedi matin, des dizaines de paysans de la région y vendaient leurs productions aux habitants des vallées environnantes.
« Très vite, des messages et des mails ont circulé pour faire remonter de la bouffe dans le Biros. Le but est de permettre aux personnes les plus vulnérables de subvenir à leurs besoins sans se déplacer et d’aider les producteurs du Couserans [province historique pyrénéenne, NDLR] à écouler leur stock, raconte Ruppert, du Relais montagnard, une auberge associative sise à Bonac. Désormais, des légumes, du miel, de la viande, du fromage, des œufs et même des plants potagers sont livrés chaque semaine en différents points de la vallée. » (...)
Le réseau d’entraide s’est constitué à partir de la fusion de différentes listes mails : celle qui rassemblait les élus locaux mobilisés pour soutenir les personnes âgées, celle des parents d’élèves, celle des organisateurs du carnaval ou encore celle des membres de l’auberge de Bonac. Biros Entraide approvisionne aujourd’hui plus de 112 personnes de tout âge et de tout horizon social.
« Notre vallée est traversée par une seule route. Ça impacte profondément tes relations sociales car tu es obligée de passer à chaque trajet par tous les hameaux du territoire, souligne Elsa, la boulangère. Tout le monde sait donc qui sont les habitants potentiellement les plus fragiles face au coronavirus, ce qui permet plus de bienveillance et de solidarité. » (...)
L’autonomie chevillée au corps
« Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un coin où beaucoup sont venus pour vivre autrement. Par ailleurs, ces initiatives sont ancrées dans une longue tradition de faire-ensemble, dans la lignée de celles et ceux qui se sont installés ici dès les années 1970-1980 avec cette culture des chantiers collectifs, de mise en commun d’expériences et de savoir-faire, insiste Elsa. Nous marchons aussi sur les pas de ceux qui nous ont précédés. »
C’est qu’il y a longtemps déjà que les habitants de ces étroites vallées pyrénéennes cultivent farouchement leur autonomie et le sens du collectif. (...)
Réseau social
« Dès le début du confinement, il y a eu comme un élan collectif et solidaire pour constituer ce réseau d’entraide, constate Ruppert. Ce sont des bénévoles, majoritairement des femmes, qui s’investissent au jour le jour afin que le système d’approvisionnement puisse exister. » Un volontaire référent pour chaque producteur local s’occupe en amont de la commande sur papier ou sur Framacalc, un tableur en ligne libre et collaboratif. Pour respecter les principes de distanciation sociale, des points de distribution ont été mis en place dans chaque village (...)
« Sûr qu’il en restera quelque chose après, pronostique Elsa. Des gens qui ne se parlaient jamais se sont mis à échanger, d’autres ont découvert les productions des paysans locaux vers qui ils ne seraient jamais allés auparavant. »
Pour célébrer le retour du printemps, un carnaval est traditionnellement organisé dans le Biros mi-mars. Mais ce moment collectif important pour la vallée a été annulé à cause du coronavirus. Ironie de l’histoire, cette année le thème devait être le futur. Et si dans le Biros, le futur c’était maintenant ?