
Le développement économique de la Chine s’est nourri d’un formidable exode rural, qui a laissé les campagnes à l’abandon. Pourtant, des paysans, des coopératives, des communautés… s’installent et revivifient les régions oubliées de ce pays-continent.
« Parfois les parents viennent de loin pour sortir leurs enfants d’ici — ils veulent à tout prix éviter que leur enfant devienne paysan. » Toujours calme, judicieuse, parfois discrètement souriante, Shi Yan, la trentaine, est devenue une des icônes de la conscience écologique en Chine. Lors d’un stage dans une Amap [association pour le maintien d’une agriculture paysanne] aux États-Unis, il y a huit ans, elle a compris que la sécurité alimentaire passe par la revalorisation du style de vie paysan. Aujourd’hui, gérante de sa ferme Shared Harvest, en banlieue pékinoise, elle préside un réseau national de plus de 500 Amap qui nourrissent plus d’un demi-million de chinois·es. Malgré les prix deux à trois fois supérieurs au marché, Shi Yan estime que 40 % des Pékinois·es peuvent se permettre de se nourrir grâce aux Amap. (...)
Inventer ensemble les bases et habitudes d’une nouvelle vie collective
Quand Tang Guanhua et ses ami-es décident en 2009 d’occuper un bâtiment abandonné pour échapper à la pauvreté des artistes et à la vie préprogrammée, le futur semble ouvert. Mais le groupe est expulsé après deux semaines et se dissout. Avec sa femme, Zhenzhen, également esprit critique et touche-à-tout créative, passionnée de l’artisanat du textile, il-elle décident alors d’essayer autre chose et s’installent sur une montagne pour cinq ans d’expérience en autosuffisance. L’initiative séduit les médias, génère du passage inattendu, crée des liens et c’est en 2015 que le couple, avec six autres, retente l’expérience collective : Nanbu Shenghuo, « Vivre dans le Sud », est né. (...)
Un des défis majeurs est d’inventer ensemble les bases et habitudes d’une nouvelle vie collective. Le saucissonnage social et la superficialité des rapports de la vie urbaine ont laissé chez ces jeunes le rêve de vivre sur des bases d’amitié, libéré·es du poids de coutumes et attentes sociales et familiales et des marchés multiples qui conditionnent les rapports sociaux en Chine comme ailleurs. Apprendre à être soi-même, ensemble. Un grand défi puisque le passé s’exprime tous les jours à travers une myriade de petites habitudes, obstacles imprévisibles à l’enthousiasme qui accompagne cette autre voie. (...)
Les cinq jeunes esprits critiques qu’on rencontre sur place partagent le regard ouvert au monde et au changement qu’on a retrouvé partout sur notre chemin. Et comme tou·tes les autres personnes rencontrées, on les invite à venir découvrir nos réalités européennes et à nous inspirer mutuellement.