
Après la dissolution des Soulèvements de la Terre, les collectifs écologistes Dernière Rénovation et Extinction Rebellion, ainsi qu’Attac se retrouvent convoqués au Parlement à une commission d’enquête sur les « groupuscules violents ».
Le 28 juin, six membres de syndicats et d’associations qui avaient appelé au rassemblement contre les mégabassines à Sainte-Soline trois mois plus tôt ont été placés en garde à vue pour « organisation de manifestation interdite sur la voie publique ». Les six hommes représentent le collectif Bassines non merci, les Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne. Le secrétaire général de la CGT des Deux-Sèvres et le secrétaire général de Solidaires 79 avaient aussi été convoqués. (...)
La semaine précédente, une vingtaine de personnes avaient déjà été placées en garde à vue dans l’enquête sur l’action contre la cimenterie Lafarge de Bouc-Bel-Air et dans celle sur les affrontements à Sainte-Soline. Puis, le 21 juin, le gouvernement a officiellement dissous les Soulèvements de la Terre. Le mouvement va contester la dissolution devant le Conseil d’État.
Dans le même temps, la mise en cause d’organisations de la société civile engagées pour l’écologie et la justice sociale se déroule aussi au Parlement. La majorité a initié en avril une commission d’enquête « sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements ».
Une commission d’enquête parlementaire (...)
À cette nouvelle commission d’enquête, c’est sur les « blacks blocs » et la manifestation contre les mégabassines de Sainte-Soline que les trois porte-parole sont interrogés par le député LR Patrick Hetzel. « On n’a pas été en contact avec les black blocs, ce n’est pas notre mode d’action », répond Bertrand Caltagirone, de Dernière Rénovation. « Nous n’avons pas appelé à participer aux manifestations de Sainte-Soline », ajoute Florence Marchal.
Bertrand Caltagirone y rappelle aussi que Dernière Rénovation organise des actions de blocage des routes, « sans aucune violence, même verbale ». « C’est vrai que nos actions de blocages des routes sortent de la légalité », concède-t-il. Le groupe a fait face à plusieurs procès pour entraves à la circulation et dégradations [1]. Ses membres ont pu écoper d’amendes, amendes avec sursis, et de travaux d’intérêt général. En mai, deux activistes du groupe ont été condamnés à des peines de prison avec sursis pour avoir interrompu un match de rugby à Toulouse en s’accrochant à des poteaux. (...)
« Une forme d’intimidation »
« À aucun moment, le ministère public n’a requis la qualification de violence contre nos actions », défend le militant face à la commission d’enquête. C’est pourtant à ce sujet que les trois sont convoqués ce 26 juin. (...)
. On a vu l’intitulé et on n’a pas compris à quel moment ça pouvait se rapporter à nous, sachant que notre tradition s’inscrit dans la culture de la désobéissance civile non violente. Quand on voit le comportement des parlementaires de droite dans cette audition, on sent qu’ils ne comprennent pas la légitimité de nos actions eu égard à l’urgence climatique. Ils se concentrent sur le trouble à l’ordre public, qui est minime quand on fait des blocages ou des jets de peinture. »
L’association altermondialiste Attac, créée il y a 25 ans, fait aussi partie des organisations convoquées pour répondre des suspicions de « groupuscules violents ». Son audition est prévue le 18 juillet. « Attac est une association qui produit des analyses et mène des actions pacifiques. On ne comprend pas ce qu’Attac vient faire là-dedans », réagit Youlie Yamamoto, sa secrétaire générale. L’association compte malgré tout se rendre à l’audition.
« Il s’agit d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Nous nous sentons tenus de nous présenter devant les représentants du peuple. Et ne pas s’y présenter est par ailleurs puni par la loi, explique la représentante d’Attac. Mais on y voit une forme d’intimidation », ajoute-t-elle (...)
Anticor perd son agrément
Le 23 juin, une autre nouvelle a ébranlé le monde associatif français : le tribunal administratif de Paris a annulé l’agrément accordé à l’association anticorruption Anticor. Cet agrément lui permettait d’agir en justice comme partie civile dans les affaires de corruption et d’atteinte à la probité. Cette annulation « s’inscrit dans la continuité directe de la bataille déjà menée par notre association en 2021 pour garder son agrément, malgré une tempête politico-médiatique visant à discréditer notre action en salissant ses dirigeants et ses donateurs », commentait Anticor à l’annonce de la nouvelle.
Il y a deux ans déjà, « le gouvernement avait demandé à avoir accès à la liste de nos donateurs, rappelle Laurent Dublet, secrétaire général d’Anticor. Nous avions alors demandé un avis à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui nous a dit que nous n’avions pas le droit de divulguer le nom de nos donateurs. Il est très inquiétant que le gouvernement souhaite avoir accès aux noms des donateurs d’une association qui en plus ne reçoit aucune subvention publique . »
La Ligue des droits de l’Homme menacée (...)
Prison en Grande-Bretagne
Le Défenseur des droits s’était inquiété de ces attaques en avril : « Le Défenseur des droits constate une intensification des risques d’atteintes à la liberté d’association. Une telle évolution est hautement problématique dans un État démocratique. » Nicolas, de Dernière Rénovation, perçoit lui aussi « un contexte inquiétant pour les militants du climat, et pour la société civile en général. On craint que cette répression remplace la réponse qui devrait être apportée par le gouvernement à l’urgence climatique, qui serait de mettre en place des lois, des règlements qui nous permettent de faire face au dérèglement climatique. » (...)
Dernière Rénovation fait partie du réseau international A22, qui réunit des collectifs non-violents engagés pour l’action climatique à travers le monde. Le groupe allemand Letzte Generation en est aussi membre. Comme pour Dernière Rénovation, les actions du collectif allemand consistent à bloquer temporairement des routes et des aéroports, ou à asperger des œuvres d’art. Eux aussi sont de plus en plus la cible des autorités. (...)
« Le constat fait dans les différents pays, c’est que les gouvernements ne sont pas à la hauteur de l’enjeu climatique, estime Nicolas, de Dernière Rénovation. Quand on montre cela du doigt, on touche juste. Sinon, il n’y aurait pas cette répression. »