
Pouvait-elle trouver un meilleur titre à son texte ? Avenir. Comme celui qu’elle et les milliers de lycéens qui descendent depuis des semaines dans les rues de Hongrie contre le premier ministre nationaliste Viktor Orban rêvent d’incarner. « Que tu le croies ou pas/Je suis et nous sommes le présent/Ainsi que ce putain d’avenir », scande Lili Pankotai, 18 ans, dans le slam qui l’a rendue célèbre après avoir été déclamé à la tribune d’une des plus imposantes manifestations du mouvement qui secoue actuellement le pays pour réclamer davantage de liberté dans le système éducatif.
C’était à Budapest, le 23 octobre, à l’occasion de la commémoration de l’insurrection antisoviétique de 1956, transformée ce jour-là en vaste protestation afin de soutenir des professeurs brutalement licenciés par le pouvoir pour avoir fait grève. Prononcés avec détermination, ces quelques vers lus sur son téléphone portable résument toutes les dérives du premier ministre qui dirige la Hongrie d’une main de fer depuis 2010 (...)
Ce texte désormais culte, elle l’a écrit « en une heure », un soir de mars dernier, sous le coup de la rage, en rentrant du lycée, raconte-t-elle en ce début décembre, dans un café de Budapest. Après la réaction du chef de son établissement du sud de la Hongrie, où elle était interne, elle a en effet préféré déménager dans la capitale. Au lendemain du discours, le proviseur s’est désolidarisé publiquement de son élève. (...)
ce qui a visiblement le plus ulcéré le système, c’est qu’une jeune femme ose s’attaquer à Viktor Orban en employant une familiarité crue, conformément aux codes du slam, cet art de la poésie déclamée et engagée. « Enfant soldat de la gauche », « Greta Thunberg hongroise » [ce n’est pas un compliment chez les Magyars], qui « mériterait deux grosses claques »… les nombreux médias aux mains du pouvoir se sont déchaînés contre cette jeune fille qui n’a même pas encore son baccalauréat. (...)