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le Figaro
En Inde, un film retraçant l’histoire vraie d’un officier gay est censuré par l’armée
Article mis en ligne le 22 février 2022

Le film du cinéaste indien Onir a été qualifié d’« illégal » et soumis au veto des autorités militaires fin janvier 2022.

Le cinéaste indien Onir voulait tourner un film inspiré de l’histoire vraie d’un officier indien ayant quitté l’armée en raison de son homosexualité mais, en janvier, les autorités militaires de la plus grande démocratie du monde ont frappé de leur veto son scénario.

(...) Onir, lui-même ouvertement homosexuel, a fait appel du rejet de son scénario par l’armée.

En 2020, le gouvernement nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi a exigé que les cinéastes indiens soumettent à l’agrément des autorités militaires tout scénario touchant à l’armée indienne. (...)

La décision a été aussitôt décriée par de nombreux militants de la liberté d’expression, dénonçant son caractère anticonstitutionnel. Selon ses détracteurs, elle s’inscrit dans le cadre d’une stratégie ciblant les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et les organisations non gouvernementales, depuis que Narendra Modi est arrivé au pouvoir en 2014. Onir juge cette situation « malsaine pour une démocratie ».
La communauté LGBTQ indienne

Son projet intitulé We Are (Nous sommes) porte sur quatre personnages, une transsexuelle, une lesbienne, un bisexuel et enfin sur cet officier homosexuel, amoureux d’un jeune Cachemiri, inspiré de l’histoire vraie du major J. Suresh.

Après avoir quitté l’armée, le major, qui a servi dans certaines des régions les plus turbulentes de l’Inde notamment au Cachemire, a fait son coming out en 2020, s’affirmant « Homo ! Fier ! Libéré ! ». « Je suis gay et très fier de l’être », avait clamé l’ex-officier de l’armée sur son blog personnel avant de faire sensation dans un entretien inédit diffusé sur une chaîne de télévision nationale.

La vie de la communauté LGBTQ indienne a commencé à changer en 2018 après que la Cour suprême a abrogé une loi de l’époque coloniale interdisant les relations homosexuelles, soit quatre ans après la reconnaissance légale des citoyens transgenres. (...)

Le « certificat de non-objection » de l’armée est un sésame que les studios, les plateformes de streaming et les producteurs réclament désormais pour s’assurer qu’ils ne seront pas confrontés à des difficultés juridiques ou administratives pour l’exploitation de l’œuvre.
L’armée et les débats politiques

Selon Hartosh Singh Bal, rédacteur en chef politique du magazine Caravan, la tentative de l’armée de « nier l’homosexualité » au sein de l’institution « participe d’une tendance générale au majoritarisme » (doctrine prônant la suprématie du plus grand nombre) de l’ère Modi. (...)

Contrairement aux pays voisins comme le Pakistan, le Bangladesh et la Birmanie, qui ont connu des coups d’État militaires, l’armée indienne se tient traditionnellement à l’écart des débats sociaux et politiques.

Mais le gouvernement de Narendra Modi « a invoqué, à maintes reprises, l’armée avec sa poitrine patriotique gonflée, pour des raisons de politique intérieure », ajoute Hartosh Singh Bal, et dernièrement, des généraux ont « même commencé à se livrer à des commentaires politiques ». « Je peux faire un parallèle avec une démocratie où l’armée est autorisée à contrôler la liberté d’expression : le Pakistan, de l’autre côté de la frontière », remarque Hartosh Singh Bal avant de souligner « Mais personne dans ce gouvernement n’aime cette comparaison ».