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Mediapart
En Italie, les familles LGBTQI+ dans le viseur de Meloni
#extremedroite #Italie #Meloni #LGBTQI
Article mis en ligne le 13 mai 2023
dernière modification le 12 mai 2023

Remise en cause des états civils de familles homoparentales, pression sur l’institution scolaire ou offensive anti-GPA… La communauté LGBTQI+ d’Italie est une des premières visées par le gouvernement Meloni.

« J’ai« J’ai mis huit années à obtenir d’être reconnue comme mère de mon fils. Puisque ce n’était pas moi qui avais accouché, je n’avais légalement aucun droit. J’ai dû passer par une procédure d’adoption longue, coûteuse et incertaine. Et aujourd’hui, alors que mon fils a 9 ans, ce gouvernement est en train de remettre en cause des filiations déjà avalisées », explique Alessia Crocini.

La quadragénaire travaille dans le marketing digital à Rome et passe tout son temps libre à s’occuper de l’association Famiglie arcobaleno (« Familles arc-en-ciel »), fondée en 2005 par des mamans lesbiennes, et qui regroupe des parents ou aspirants-parents de même sexe, femmes et hommes.

Les familles homoparentales ont été les premières visées par le gouvernement italien dirigé par l’extrême droite depuis sept mois. Dans les paroles, comme pendant la campagne électorale. Mais aussi dans les faits, maintenant que les Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni ont obtenu la majorité pour diriger le pays.

En début d’année, le gouvernement a ainsi demandé aux préfets de veiller à ce que les états civils des enfants ne comportent pas le nom de deux pères ou de deux mères, puisque la loi italienne ne prévoit pas la possibilité pour un enfant d’avoir deux parents de même sexe. (...)

L’Italie a été le dernier pays d’Europe occidentale à mettre en place, en 2016, une « union civile » entre personnes de même sexe et celle-ci a été votée a minima, en excluant toute disposition sur les questions de filiation. Les couples lesbiens ayant eu des enfants par PMA ne pouvaient donc être reconnus comme parents qu’à travers deux processus.

Soit se lancer dans une « adoption spéciale » de l’enfant du parent avec qui l’on est en couple. Une possibilité soumise à l’appréciation différenciée des juges, car ce type d’adoption est à l’origine destiné à des couples hétérosexuels, et souvent réservé à la situation où une mère d’un enfant sans père connu ou reconnu demande à ce que celui-ci soit adopté par l’homme avec lequel elle vit.

Soit demander aux mairies, qui sont chargées de cette mission administrative, d’inscrire les deux parents homosexuel·les sur l’état civil de l’enfant, comme certaines municipalités acceptaient jusqu’ici de le faire. (...)

« Un enfant de quatre ou six ans, qui avait jusqu’ici deux parents légaux, risque d’en perdre un des deux ». Alessia Crocini, de l’association « Familles arc-en-ciel » (...)

« L’ambiance qu’on respire dans l’air de Meloni a changé le jour même de l’entrée en fonction du nouveau gouvernement ». Massimo Prearo, chercheur (...)

Pour lui, la contre-révolution culturelle actuelle se fonde sur une forme inédite et puissante de « synthèse entre l’orientation radicale anti-genre de la droite, de l’extrême droite et de nombreux catholiques, mais aussi une branche du féminisme italien qui donne la priorité à la différence sexuelle et milite contre la transidentité ». (...)

Outre l’offensive sur les états civils, Massimo Prearo relève deux autres domaines où « le gouvernement ne se contente pas d’attaques verbales ou de mesures symboliques, mais veut passer à l’acte et mener une politique répressive ».

Le premier est la revendication de criminaliser davantage la gestation pour autrui (GPA), déjà interdite par la loi italienne, en revendiquant une compétence universelle sur le sujet. Pour le juriste Antonio Rotelli, cofondateur de l’association des juristes Avvocatura per i diritti LGBT, cette mesure est inapplicable mais néanmoins dangereuse.

« Le gouvernement Meloni veut ainsi punir la GPA non seulement si elle est pratiquée clandestinement en Italie, mais aussi si elle se fait à l’étranger. Mais comment aller contre quelque chose qui est légal au Canada ou en Californie par exemple ? Il s’agit avant tout de durcir le cadre pour empêcher, comme cela s’est vu, qu’un couple de gays ne puisse revenir en Italie avec un enfant et tenter de faire transcrire l’état civil en reconnaissant deux pères. »

Pour Massimo Prearo, « cette volonté de criminaliser davantage la GPA pourrait ne pas être considérée comme un ciblage des populations LGBT, puisque la plupart des couples qui utilisent la GPA sont hétérosexuels. Mais les membres du gouvernement et les parlementaires ne parlent jamais de cela, ils l’inscrivent systématiquement dans une hostilité contre les parents gays ».

L’autre domaine où commencent à se déployer les effets d’une hostilité répétée contre la prétendue « théorie du genre » est l’école et l’université. (...)

Cette pression accrue qui se concentre sur l’école inquiète les enseignant·es ne partageant pas les vues du gouvernement Meloni. Samantha Piccaiola, 47 ans, dont plus de vingt passés à enseigner dans une école primaire dans la campagne près de Bologne, la ressent déjà : « Ce n’est pas fait de manière frontale, mais alors qu’il n’y a déjà pas du tout d’éducation sexuelle en Italie, on nous a fait comprendre qu’il ne fallait rien faire le 17 mai, jour de lutte contre l’homophobie et la transphobie, et surtout pas inviter des associations LGBT à intervenir. Et mon directeur m’a dit que le gouvernement envisageait à l’inverse de créer une “journée de la natalité” pour laquelle interviendraient des associations catholiques et “pro-vie”. »

« On n’obtiendra jamais le mariage pour les personnes de même sexe ni même une loi qui condamne les actes et paroles homophobes pour ce qu’ils sont ». Marta Cotta Ramosino, cogérante d’une librairie LGBTQI+ à Rome