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Amnesty International
En Russie, la liberté d’expression, le droit de manifester ou de s’associer sont malmenés depuis longtemps.
Article mis en ligne le 3 avril 2015
dernière modification le 29 mars 2015

. Depuis le retour de Vladimir Poutine à la présidence en mai 2012, ces droits sont si violemment attaqués qu’ils risquent tout simplement de disparaître.

La priorité accordée à la stabilité économique, à la sécurité du pays et à la restauration du sentiment national permet au pouvoir de justifier des entorses à des droits fondamentaux présentés comme secondaires. La propagande que l’État orchestre via son strict contrôle des médias se charge de cultiver cette tendance.

Dans ce contexte extrême, rares sont les voix dissidentes qui tentent de faire entendre qu’une autre société est possible.
Un pouvoir de plus en plus répressif

Dès sa prise de fonction, Vladimir Poutine a donné le coup d’envoi d’une vague de répression d’une ampleur et d’une virulence inédites.
Son objectif : juguler la formation de toute opposition.
En décembre 2011 puis mai 2012, d’importantes contestations préélectorales avaient fait naître l’espoir d’une société civile mobilisée et fait peur au pouvoir.
Au retour de Vladimir Poutine au pouvoir, les « Printemps arabes » ont vu des régimes parmi les plus autoritaires vaciller suite à des soulèvements populaires. Il faut donc éviter un tel scénario pour la Russie. À tout prix.

La répression orchestrée par le Kremlin vise ainsi à juguler toute tentative ou tentation de contestation. En éliminant toutes les voix dissidentes, les autorités donnent au monde l’image d’un pays uni autour du pouvoir. Une façade qui présente des failles. L’élan qui a suivi l’assassinat de l’opposant Boris Nemstov début mars 2015 est peut-être ponctuel, mais atteste que la société civile est muselée, mais pas inexistante. (...)

Tout le monde est potentiellement visé, mais ceux qui s’engagent pour l’état de droit sont particulièrement ciblés.
Les ONG intervenant dans des domaines « sensibles », indépendantes ou critiques sont présentées comme des ennemis de l’intérêt national et sont accusées de faire de l’« activisme politique ». (...)

La loi, outil de la répression

Le système législatif est le principal levier pour faire taire. L’arsenal législatif imaginé par le Kremlin ne cesse d’être révisé pour être toujours plus liberticide. Une tendance renforcée depuis l’intervention militaire en Crimée et le conflit armé dans l’est de l’Ukraine. (...)

Adoptée en juillet 2012, la loi relative aux « agents de l’étranger » oblige les organisations qui reçoivent des fonds étrangers ou qui mènent des « activités politiques » à s’enregistrer en tant qu’« organisation remplissant les fonctions d’un agent étranger ». Ce qui les expose à un contrôle et des contraintes et jette l’opprobre sur leurs activités. Le choix des mots y concourt. En Russie, ces termes d’« agents de l’étranger » renvoient immédiatement à la période soviétique et à la question de l’espionnage - donc de la trahison.

Le gouvernement russe a justifié cette loi par la nécessité de renforcer la transparence et l’obligation de rendre des comptes. Sans preuve, Vladimir Poutine a souvent évoqué les sommes considérables qui proviendraient de l’étranger. Ainsi, il entretient la suspicion. Pourtant une réglementation obligeait déjà les ONG à rendre des comptes sur leur travail et leurs financements. Des informations accessibles à tous sur le site du ministère de la Justice. (...)

Toutes les ONG concernées ont dénoncé une offensive destinée à les faire taire et refusé de s’enregistrer. En juin 2014, face à l’échec de cette loi, les autorités l’ont sérieusement révisée. Le ministère de la Justice peut désormais enregistrer les ONG de façon unilatérale et sans leur consentement.
Une quarantaine d’organisations est désormais sur la liste. Parmi elles figurent les principales ONG russes de défense des droits humains : Memorial, Golos, Public Verdict et Jurix.

Les répercussions ont été immédiates pour les ONG : chute des dons, membres qui « préfèrent » démissionner. Plusieurs dirigeants d’ONG font personnellement face à des poursuites pour avoir refusé d’enregistrer leur association sur ce qui est devenu une « liste noire ». Beaucoup d’organisations ont dû cesser ou réduire leurs activités. (...)

Cette dernière décennie, le journalisme indépendant est devenu un exercice de plus en plus périlleux. Plus d’une trentaine de journalistes l’ont d’ailleurs payé de leur vie. Le meurtre de la journaliste d’investigation Anna Politkovskaia en octobre 2006 a marqué les esprits. Mais c’est tous les jours que des journalistes subissent menaces et intimidations.

La Constitution russe garantit la liberté de la presse et elle interdit la censure. Mais un ensemble de dispositions législatives et de pratiques vident ces articles de leur sens. Les journalistes qui tentent de travailler librement et de manière indépendante subissent de nombreuses pressions. (...)

Réseaux sous surveillance

Les autorités russes ont souvent répété leur attachement à la liberté sur Internet. Elles ont ainsi favorisé le développement du réseau en Russie. Mais la liberté d’expression sur Internet varie selon les sujets. Beaucoup ne sont pas tolérés et, de fait, l’espace est de plus en plus contrôlé. (...)

Le dernier train de mesures anti-terroristes d’avril 2014 comporte ainsi un volet concernant Internet. Les blogs et les réseaux sociaux qui reçoivent plus de 3 000 visites par jour doivent être inscrits sur le registre tenu par Roskomnadzor, l’autorité officielle de surveillance des communications. Cette inscription étend le contrôle du pouvoir qui peut ainsi exiger le retrait de contenus ou la fermeture de sites. Plusieurs sites indépendants ont, par exemple, été bloqués parce qu’ils avaient révélé des violations des droits humains commises lors de manifestations. (...)