
Si toutes les infractions commises lors de l’évasion sont punissables chez nos voisins helvètes, la simple fuite ne l’est pas.
(...) passionnante question philosophique : peut-on reprocher à un homme enfermé son goût pour la liberté ?
Portes ouvertes
En France, le fait pour un détenu de se soustraire à la garde à laquelle il est soumis est puni de trois ans de prison et de 45.000 euros d’amende. La peine est portée à cinq ans d’emprisonnement lorsque l’évasion est "réalisée par violence, effraction ou corruption" (cf. article 434-27), à l’image de celle de Redoine Faïd, le 1er juillet dernier.(...)
Si la Suisse voisine ne condamne pas la simple évasion, c’est d’abord parce que cela serait contraire à leur principe d’auto-favorisation. Ainsi, un citoyen a le droit de ne pas s’auto-incriminer (de faire un faux témoignage pour se protéger, par exemple). Pour simplifier, disons qu’on ne peut pas reprocher à quelqu’un d’avoir agi en sa faveur, dans le cas d’une procédure pénale.
Ce n’est pas la seule raison. André Kuhn, professeur de droit pénal et de criminologie à la faculté de droit de Neuchâtel, dans le canton suisse du même nom, en avance une seconde :
"Historiquement, cela vient du fait que, depuis que l’on a érigé la liberté en bien suprême et en droit fondamental au XVIIIe siècle, on ne peut pas reprocher à une personne d’aspirer à vivre en liberté et donc de tout faire pour la retrouver si elle en est privée."(...)
Laurent Jacqua, écrivain et militant qui a passé 25 ans dans les prisons françaises, et s’est évadé à plusieurs reprises, défendait en 2013 sur Rue89 le "droit" pour un détenu de s’évader. "Et encore plus pour ceux condamnés à une trop longue peine. La liberté, on ne vit que pour ça, elle est sacrée : s’évader, en prison, c’est une obsession." Un "rêve récurrent".
Gabriel Mouesca, ancien président de l’Observatoire international des prisons (OIP), et ex-détenu pendant 17 ans, s’est évadé de la prison de Pau en 1986, avant d’être cueilli par les gendarmes sur une montagne au bout de six mois. Les évadés, on le sait, ont très peu de chances de s’en tirer, mais "l’énergie de vie fait dépasser ces statistiques rationnelles", assurait-il à Rue89.
"Le désir d’évasion d’une personne est la preuve d’un bon état de santé mentale. C’est naturel."(...)
Les évasions d’institutions fermées en Suisse restent peu nombreuses(...)
En France, la loi de 2004 a-t-elle été dissuasive ? Le nombre de tentatives d’évasion dans les prisons stagne en tout cas depuis quelques années (...)