
Le gouvernement profite du projet de loi « pouvoir d’achat » pour accélérer la construction d’un port méthanier au Havre. Le but : importer du gaz naturel liquéfié. Un scandale, selon les associations environnementales.
Sous couvert d’augmenter le pouvoir d’achat des Français, le gouvernement cherche à accélérer la construction d’un port méthanier au Havre [1] qui pourrait importer du gaz de schiste étasunien, très polluant. C’est une disposition annexe pour le moins étonnante qui a été glissée dans le projet de loi « pouvoir d’achat », présenté jeudi 7 juillet en conseil des ministres.
Dans l’article 12 du projet de loi, l’exécutif propose de détricoter le Code de l’environnement pour ne pas soumettre aux études d’impact environnemental les futurs projets de terminaux méthaniers. Ces chantiers pourront déroger à des mesures de compensation en matière de biodiversité et aux études de dangers que pourrait provoquer la canalisation du gaz naturel liquéfié ou l’aménagement du port. Cette simplification administrative permettra ainsi de gagner du temps, en passant outre la consultation du public, et en ignorant les conséquences écologiques que pourraient causer ces chantiers. (...)
Ce projet porté par TotalÉnergies était en suspens depuis le mois de mars, au Havre. Le terminal flottant devrait normalement venir de Chine et être raccordé dans le port normand pour une mise en service en septembre 2023. Les travaux pourront débuter dès cet automne. Il devrait débarquer à terme 3,9 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) par an en provenance notamment des États-Unis, mais aussi du Qatar. (...)
« Une bombe écologique à retardement » (...)
« L’exécutif prolonge notre ébriété énergétique »
Pour l’économiste Maxime Combes, la situation actuelle traduit « le sentiment de panique qui gagne l’appareil d’État » et « son incapacité à anticiper la réalité des conséquences de la crise énergétique mondiale, européenne et française. Pour le gouvernement, l’économie de guerre justifie la levée, la suspension et la minimisation des réglementations environnementales pour faire perdurer notre dépendance aux énergies fossiles. Ils tentent de prolonger de manière artificielle notre ébriété énergétique ». (...)
Avec ce projet de terminal méthanier, le gouvernement scelle notre enfermement dans l’addiction au gaz naturel liquéfié. Il légitime les deux nouveaux contrats pris entre Engie et les producteurs américains de GNL, Cheniere et NextDecade. Le GNL est pourtant loin d’être écologique et vertueux sur le plan climatique. Il est souvent produit à partir de gaz de schiste. Si l’on prend en compte l’ensemble de sa chaîne de valeur, sa pollution est colossale. Selon une analyse comparative publiée par le cabinet Carbone 4 en octobre 2021, il émettrait 2,5 fois plus d’équivalents CO2 que le gaz transporté par gazoduc.
Les associations écologistes regrettent également qu’il n’y ait rien dans le projet de loi « pouvoir d’achat » sur la sobriété énergétique ni sur le développement des énergies renouvelables ou la rénovation thermique.
« C’est quand même fou, s’emporte François Chartier de Greenpeace. Le même jour, Élisabeth Borne affirme dans son discours de politique générale que la France va sortir des énergies fossiles alors qu’en même temps ses députés européens votent le projet de taxonomie pour inclure le gaz dans les énergies vertes, puis le lendemain le gouvernement propose cet article en faveur du GNL dans le projet de loi “pouvoir d’achat”. Si on était naïf, on pourrait dire qu’il nage en pleine contradiction, mais si on est lucide, on voit bien qu’il se moque de nous. »