
Nationaliser les risques et privatiser les profits ? C’est le projet que s’apprête à examiner le comité de la stratégie du conseil d’administration d’EDF ce mardi 28 mai. Selon les révélations du Parisien en avril, le groupe, détenu à 83,7 % par l’État, pourrait être scindé en deux entités distinctes.
Les contribuables à la rescousse du nucléaire ?
La préparation de cette opération s’inscrit dans un contexte financier critique pour EDF. Entre 2019 et 2025, la moitié des 58 réacteurs nucléaires français atteindra l’âge de 40 ans. Pour continuer à fonctionner, ils devront être rénovés et mis aux normes post-Fukushima. Évaluation du coût de ce « grand carénage », environ 55 milliards d’euros d’ici à 2025 selon EDF, 100 milliards d’euros d’ici à 2030 selon le rapport 2016 de la Cour des comptes. À ces coûts s’ajoutent ceux du chantier de l’EPR de Flamanville, qui atteignent aujourd’hui près de 12 milliards d’euros au lieu des 3 prévus, et ceux de l’EPR d’Hinkley Point, en Grande-Bretagne. (...)
Actuellement, EDF n’a pas les moyens de faire face à toutes ces dépenses. (...)
pour Maxime Combes, économiste à Attac, cette scission est « l’aboutissement de la financiarisation du secteur de l’énergie, voulue et organisée par Bruxelles depuis les directives de la fin des années 1990. Laquelle consiste à isoler les parties les plus soumises à risques externes – le nucléaire dans cet exemple –, et à s’assurer que tout ce qui peut être valorisé sur les marchés financiers – les autres activités, fourniture, énergies renouvelables, etc. – le soit. ».
Le fait que le nucléaire échappe à la privatisation en dit long sur son état de décrépitude. (...)
« Bruxelles sait très bien qu’il est strictement impossible d’exiger du gouvernement français qu’il vende des centrales nucléaires en fin de vie à des investisseurs privés qui ne sont pas du tout intéressés, analyse l’économiste d’Attac. En plaçant le nucléaire dans une entité publique à part, l’État reconnaît que la filière pose problème mais affirme aussi que son maintien n’est pas négociable. Comme il ne sait pas comment réagiront les marchés financiers quand la situation du nucléaire deviendra encore plus compliquée, il la leur soustrait. » Et choisit de la financer lui-même, « soit par les ressources propres d’EDF, ce qui supposerait une augmentation régulière des tarifs de l’électricité nucléaire ; soit en faisant appel à des banques publiques comme la CDC [Caisse des dépôts et consignations] autant de financements pris sur d’autres programmes comme la transition énergétique ».
« Emmanuel Macron est aux mains du lobby nucléaire »
C’est donc la prolongation du programme nucléaire qui est en jeu. (...)
Les questions restent nombreuses. Comment va être répartie la dette et qui va la payer ? Qu’adviendra-t-il de l’Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique), un dispositif qui impose à EDF de vendre à ses concurrents 100 térawhattheures de son électricité nucléaire à un prix fixe de 42 euros/mégawattheure ?
En tout cas, le projet de scission, et notamment l’ouverture de l’entité regroupant les filiales aux capitaux privés, inquiète les agents EDF, très attachés au caractère intégré du groupe. (...)